La Chine mettra en circulation en 2004 une nouvelle carte d’identité électronique. Muni d’une puce, ce document contiendra de nombreuses informations personnelles ainsi que l’empreinte génétique de son titulaire. Les défenseurs des droits de l’homme en Chine redoutent que ce nouvel outil renforce la surveillance des citoyens et la répression à l’encontre des dissidents.
Le 28 juin dernier, les députés chinois ont voté une loi portant création d’une carte d’identité électronique pour près d’un milliard de citoyens de plus de seize ans ainsi que pour les mineurs qui en feront la demande. La loi entre en vigueur le 1er janvier 2004 et les premières cartes devraient être émises au cours de l’année.
Dotée d’une puce électronique, la nouvelle carte contiendra le nom et prénom du titulaire, son lieu de naissance et sa nationalité, son lieu de résidence et son empreinte génétique représentée par un numéro de 18 chiffres. Ces chiffres correspondent à des informations lues sur un fragment d’ADN du titulaire. Cet échantillon d’ADN est obtenu à partir d’un prélèvement de sang, de cheveu ou de cellule.
La lecture de la puce par un ordinateur permettra aux forces de l’ordre d’interroger une gigantesque base de données nationale.
Contrôler l’immigration intérieure
Ce document remplacera peu à peu l’actuelle carte d’identité plastifiée, mise en service en 1985 et trop facilement falsifiable selon les autorités. Officiellement destinée à mieux protéger l’identité des citoyens, la carte à puce devrait surtout servir au régime communiste à renforcer son contrôle sur les mouvements migratoires internes d’un pays comptant 1,3 milliard d’habitants.
En vigueur depuis près de 50 ans, le système du "Hukou", ou "livret de résidence obligatoire", attache un individu à son lieu de naissance afin de prévenir l’exode rural massif en direction des grandes villes, comme Shangaï ou Pékin.
Les assurances répétées du gouvernement chinois sur le fait que les données contenues dans la carte ne seraient pas croisées avec d’autres informations ni accessibles à d’autres organismes que les forces de l’ordre ne calment cependant pas les inquiétudes des défenseurs des droits de l’homme.
"Il faut toujours examiner une loi dans son contexte social, estime Sharon Hom, directrice exécutive de Human Rights in China. Or, la notion de vie privée n’existe pas en Chine. Toutes les affaires privées d’une famille sont une information du domaine public. De plus, le régime a toujours envisagé les développements technologiques comme un outil de contrôle social et politique."
Bouclier doré
Cette ONG, basée à New York et Hong Kong, rappelle ainsi le projet Golden Shield du gouvernement chinois. Dévoilé lors de la foire China Security 2000, qui réunissaient à Pékin 300 entreprises étrangères venues de seize pays, ce programme de Bouclier Doré a pour but de promouvoir "l’adoption des technologies de l’information et de la communication de pointe pour renforcer le contrôle centralisé et améliorer les capacités de réaction dans la lutte contre le crime, afin de rendre plus efficace et plus effectif le travail de la police". Caméras de surveillance, bases de données, identification biométrique et génétique... Tous ces outils devaient pouvoir être utilisés et croisés pour assurer un contrôle maximal de la population.
Pour Human Rights in China, il ne fait aucun doute que la nouvelle carte d’identité, développée, entre autres, par le constructeur Français Thalès, s’inscrit dans ce projet.
"Le potentiel d’abus de la part du régime est très grand, s’inquiète Shraon Hom. Le recours aux caméras de surveillance ou la biométrie n’est pas propre à la Chine. Mais aux Etats-Unis, les citoyens sont censés être protégés par une justice indépendante et par un corpus de lois alors qu’en Chine, la justice est non seulement corrompue et non transparente mais surtout incompétente. Et lorsque des avocats se montrent trop habiles, par exemple dans la défense d’activistes sur internet, ils sont à leur tour victimes de poursuites judiciaires."
Sharon Hom n’est pas davantage convaincue par l’extension de la carte d’identité aux mineurs de moins de seize ans. Officiellement, il s’agit de permettre aux enfants de pouvoir ouvrir un compte en banque ou de prendre un avion, activités pour lesquelles une pièce d’identité est indispensable.
"En 1999, la Chine comptait 2,1 millions d’enfants immigrés de 6 à 14 ans, dont 1,83 million n’avaient aucun accès à l’éducation, rappelle la directrice exécutive de Human Rights in China. Avant de parler de conférer des droits civiques aux enfants, le gouvernement ferait mieux de s’assurer qu’il respecte leurs droits fondamentaux..."
Le site de Human Rights in China:
http://iso.hrichina.org/iso
Un milliard de Chinois sur cartes à puce made in France (ZDnet):
http://www.zdnet.fr/actualites/tech...
"Nous utilisons les forums et les subtilités de la langue", interview d’un dissident (Transfert.net):
http://www.transfert.net/a8994