L’organisation mondiale de la santé se pose en coordinateur dans la guerre aux épidémies
Au lendemain du Sras, son directeur appelle à la vigilance, quitte à en faire beaucoup
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) affirme redouter l’apparition de nouvelles épidémies au XXIe siècle et appelle la communauté internationale à rester vigilante. Satisfaite de son action contre le Sras (Syndrôme respiratoire aigu et sévère), l’organisation profite néanmoins d’un nouveau cas à Singapour pour rappeler la nécessité d’avoir un chef de file pour lutter contre les pandémies mondiales. Et s’estime la mieux placée pour tenir ce rôle de coordinateur.
"Le Sras est la première nouvelle maladie du XXIe siècle, mais ne sera pas la dernière. Je m’attends à ce qu’il y ait de nombreux autres problèmes comparables au Sras dans les années à venir", expliquait, jeudi 11 septembre, Lee Jong Wook, le directeur général de l’OMS, lors d’une conférence régionale de l’organisation à New Delhi.
Entré en fonction en juillet dernier, Lee Jong Wook s’exprimait quelques jours seulement après la découverte d’un nouveau cas de Sras à Singapour. Mais ses propos n’en restent pas moins étonnamment alarmistes. L’apparition possible de nouvelles pandémies divise en effet les scientifiques.
Le Sras, nouveau modèle ?
Pour Arnaud Fontanet, directeur de l’unité de recherche et d’expertise en épidémiologie des maladies émergentes à l’Institut Pasteur, le risque est tout à fait probable : "Depuis peu, avec la densité croissante de la population notamment en zone urbaine, les déplacements de population, et les modifications écologiques favorisant les contacts homme-animal comme la déforestation, le phénomène des épidémies s’est accentué. En témoignent les épidémies récentes du VIH, de l’Ebola, et maintenant du Sras."
Mais Dounia Bitar, médecin au département des maladies infectieuses à l’Institut national de veille sanitaire (INVS), aurait plutôt tendance à modérer cette menace. "Bien sûr qu’il y aura de nouvelles épidémies, mais pas plus qu’avant, explique ce spécialiste. Il n’y a pas un avant-Sras et un après-Sras. La particularité de cette maladie est la vitesse avec laquelle elle a pris un caractère mondial."
Surfer la "vague Sras" ?
Sur cet aspect, l’OMS peut s’enorgueillir d’avoir su trouver les réponses adéquates en un délai très court. Le système de surveillance des épidémies qu’elle a mis en place, le Global Outbreak Alert & Response Network, a très bien fonctionné. Pour autant, l’OMS ne serait-elle pas en train de surfer sur la "vague Sras" pour renforcer sa position ?
"Dans le monde d’aujourd’hui, nous avons besoin d’un chef de file dans notre lutte pour la sécurité et la justice. Sécurité par rapport aux infections et justice pour les populations les plus touchées par les maladies de la pauvreté", expliquait ainsi Lee Jong Wook, dans son discours d’investiture.
Pour superviser la veille sur les épidémies et coordonner les réactions, l’OMS, qui regroupe 192 pays membres, apparait effectivement la mieux placée. "Dans le cas du Sras, les enquêtes épidémiologiques et le réseau de laboratoires coordonnés par l’OMS ont permis de retracer l’histoire des malades, depuis leur rencontre avec un patient dans un hôtel de Hong-Kong, et d’isoler le virus en moins de deux mois, estime Arnaud Fontanet, de l’Institut Pasteur. Il s’agit là d’un exploit."
Une réussite rendue possible selon lui par l’existence des plans de lutte contre le bioterrorisme dans de nombreux pays (Biotox en France) , qui ont pu tester leur fonctionnement à l’occasion du Sras.
Renforcer l’OMS
Dounia Bitar partage ce sentiment et précise que "l’OMS n’est qu’un regroupement de pays mais n’a pas de pouvoir sur eux".
Cette faiblesse est apparue nettement dans la gestion du Sras par la Chine. L’incapacité du pouvoir de Pékin d’énoncer clairement la gravité de la situation a dû être compensée par l’intervention de l’OMS.
"Le retard de la Chine à réaliser l’ampleur de la crise du Sras tient à la faiblesse de son système de surveillance des épidémies, juge Arnaud Fontanet. Les collaborations internationales qui se mettent en place dans ce domaine depuis la fin de l’épidémie devraient permettre d’y remédier. L’OMS et les instances gouvernementales incriminées dans la lutte contre le Sras ont eu raison de taper fort, permettant d’enrayer la transmission du virus en population humaine. Il reste maintenant à découvrir le réservoir animal du virus."