Pour la quatrième année consécutive, l’association lyonnaise Casseurs de pub lance l’opération "Une rentrée sans marques". Un appel à la mobilisation, partout en France, contre la publicité qui pénètre progressivement à l’école, en contradiction avec le principe de "neutralité commerciale" institué en 2001. L’opération vise cette année le milieu enseignant en particulier et est relayée par plusieurs organisations, dont le site Instits sur le Net.
L’affiche de pub pour l’opération Une rentrée sans marques 2003 (Casseurs de pub)
Benjamin, 25 ans, membre de l’association lyonnaise Casseurs de pub, ne cesse de le marteler : "L’école est le lieu d’apprentissage de la citoyenneté. Or l’entreprise ne peut être citoyenne, puisqu’elle obéit à une logique économique". L’objectif de la campagne "Une rentrée sans marques" est de "rappeler ces principes de base qui ne sont plus appliqués. Un enfant se construit sur des valeurs, pas sur des pratiques commerciales" ajoute Benjamin.
"Le développement de la publicité à l’école est inséparable de la volonté des Maîtres du monde de s’approprier son contenu éducatif", écrit le politologue Paul Ariès, en introduction au manifeste de la campagne. Cibler les enfants dans le lieu même de l’enseignement, c’est espérer toucher des petits consommateurs en devenir, fortement prescripteurs auprès de leurs parents.
Touche pas à mon école !
Paul Ariès craint que les écoles françaises n’emboîtent le pas aux écoles américaines, au sein desquelles publicité et enseignement sont liés : "Les écoles américaines récoltent 750 millions de dollars par an via la pub. Mais à quel prix ?". Le politiologue cite, parmi d’autres, l’exemple de ce problème de mathématiques d’un manuel de CE2 aux Etats-Unis : "Will fait des économies pour s’acheter une paire de Nike à 68,25 dollars. Si Will gagne 3,25 dollars par semaine, pendant combien de semaines devra-t-il économiser ?"
En France aussi, les annonceurs ont pris la mesure des avantages qu’ils avaient à s’immiscer dans les écoles. Benjamin en donne pour preuve la multiplication, ces dernières années, des mallettes pédagogiques. De petites boîtes à outils destinées aux enfants, et censées seconder l’enseignant dans sa tâche : fiches, CDRom, petits jeux, matériel... Sur tous ces "cadeaux" figure en bonne place le logo de la marque donatrice. Benjamin s’indigne : "Il y maintenant à l’Education nationale une cellule de certification des mallettes pédagogiques, qui travaille à légitimer quelque chose qui est illégal."
Véronique Gallais, présidente du mouvement Action Consommation, dénonce l’existence de partenariats commerciaux noués directement avec le ministère de l’Education, comme lors de la campagne officielle "Le Respect, ça change l’école" lancée en octobre 2001 avec la marque Morgan comme fournisseur de t-shirts. (lire l’interview de Véronique Gallais)
Pour les organisateurs de la Rentrée sans marques, il importe "d’appliquer la loi", soit le principe de "neutralité commerciale" à l’école. Cette notion a été érigé en 2001 par le ministre de l’Education Jack Lang, en remplacement de celle, plus floue, de "neutralité de l’école". Paul Ariès fait de la "neutralité commerciale" le pendant du principe de laïcité en matière de religion : "Si le but de la laïcité est de préserver la liberté d’opinion et de défendre le sens critique, alors l’invasion publicitaire est une menace."
Combattre la pub par la pub
Pour contrer l’emprise des marques à l’école, Casseurs de pub a aussi choisi d’utiliser les armes de ses adversaires. "Nous avons adopté une attitude publicitaire", reconnaît Benjamin. "Lors de nos opérations, nous n’avançons qu’une seule idée à la fois : Rentrée sans marques, Journée sans achat, Semaine sans télé...". A chaque fois, un seul mot d’ordre, repris partout dans le pays, une stratégie qui s’inspire de celle d’Adbusters, une ONG canadienne de créatifs pionniers du combat anti-pub. "Nous voulons avant tout sensibiliser, amener à un questionnement personnel, en proposant des éléments d’information", poursuit Benjamin.
Enseignants et professeurs sont les principales cibles visées par les organisateurs de la Rentrée sans marques cette année. "Nous voulons qu’ils s’accaparent la campagne et la relaient, auprès de leurs élèves, des parents d’élèves et de leurs collègues", explique Benjamin.
Benjamin s’affirme "optimiste" quant au succès de la campagne, reçue très favorablement par le milieu enseignant. Le site Les Instits sur le Net, qui soutient Une rentrée sans marques, a ainsi en quelques jours reçu plus de 6 000 visites. Mieux, se félicite Benjamin, Casseurs de pub a désormais droit de cité dans les manuels littéraires de première et de terminale. Preuve d’une "institutionnalisation" en marche, et de l’utilité de la démarche.
Le site de Casseurs de pub:
http://www.antipub.net/
La campagne Une rentrée sans marques (Casseurs de pub):
http://www.antipub.net/cdp/index.ph...
Les Instits sur le Net:
http://instits.org
Action Consommation
http://www.actionconsommation.org
Ministère de l’Education
http://www.education.gouv.fr/
Code de bonne conduite des interventions des entreprises en milieu scolaire
http://www.education.gouv.fr/bo/200...
"La présence de marques porte atteinte à la neutralité de l’école", interview de Véronique Gallais (Transfert.net):
http://www.transfert.net/a9210
La "Semaine sans télé" américaine a du mal à s’exporter en France (Transfert.net):
http://www.transfert.net/a8697
Adbusters en campagne contre "la marque Amérique" (Transfert.net):
http://www.transfert.net/a8602
Les signets préférés de Casseurs de pub (Transfert.net):
http://www.transfert.net/a7020