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Avec l’annonce ce matin de l’acquisition de Seagram et de Canal+ par Vivendi, un géant mondial de la communication est né.
Le PDG de Vivendi pétillait d’excitation, le 20 juin, lors de la conférence de presse organisée à l’espace Vivendi, près de l’...toile. En nouvel empereur du multimédia, il lançait ce chiffre : en 2001, Vivendi Universal (la société née du mariage de Vivendi avec le Canadien Seagram et le groupe Canal+) devrait peser entre 138 et 165 milliards d’euros (entre 905 et 1 082 milliards de francs) d’actif net. En d’autres termes, la fusion des trois entités (annoncée officiellement mardi 20 juin) va donner naissance à un authentique géant mondial du multimédia : numéro 1 de la distribution musicale, numéro 2 du cinéma, numéro 1 des logiciels de jeux sur PC, et numéro 3 de l’édition d’information médicale.
Jean-Marie Messier prendra la direction du nouveau groupe qu’il a qualifié de "multi-accès, multi-contenus, et multiculturel". À sa droite siégeait un Pierre Lescure mi-placide, mi-égrillard. Le PDG du groupe Canal+ ajoutera à son titre celui de directeur général de Vivendi Universal, et siègera au comité exécutif. Il continuera à gérer les activités cinéma européennes via le Studio Canal+ tandis que Seagram, qui apporte dans son escarcelle les prestigieux studios Universal, s’occupera d’Hollywood.
Seagram, endetté à hauteur de 6,7 milliards de dollars
À la gauche de "J2M" se trouvait un homme peu bavard mais néanmoins essentiel : Edgar Junior Bronfman, patron de Seagram. Barbe courte et veste ajustée malgré la touffeur, il est, dans une famille de sept héritiers, celui à qui est revenu la charge de faire passer le millénaire à la dynastie. Il a engagé la transformation de Seagram, autrefois versé dans les liqueurs et spiritueux, en leader de la communication. N’étant pas parvenu à mener sa tâche à temps, il a contacté Jean-Marie Messier en octobre pour discuter l’éventualité d’une fusion qui sauverait le patrimoine familial. L’opération a reçu le nom de code "Secret" - si secrète, qu’on spéculait plutôt à l’époque sur le rachat de Vivendi par des prédateurs étrangers...
Seagram est endetté à hauteur de 6,7 milliards de dollars, selon son PDG, mais le nouvel ensemble devrait absorber cette dette et générer un cash flow net positif dès 2001 (700 millions d’euros, selon les estimations maison).
Côté atouts, Seagram est présent dans le cinéma, et dans la musique avec le géant Universal Music. Une dimension qui manquait à l’éventail des supports et contenus de l’alliance Vivendi et Canal+.
Rappelons en effet que les deux derniers travaillaient ensemble depuis un certain temps, comme en témoigne le lancement du portail Vizzavi hier par leur filiale commune VivendiNet. Vivendi détenait déjà 49 % de Canal+, soit la participation maximale d’un actionnaire privé dans un groupe de diffusion audiovisuelle, aux termes de la réglementation française. Vivendi Universal va prendre 100 % du groupe Canal+, mais la filiale télé sera détenue à 49 % seulement par la nouvelle entité.
Les modalités de la noce
La fusion, présentée comme "amicale", sera réalisée par échange d’actions : une action Seagram pour 0,7 action Vivendi, avec un procédé de maintien des parités dans une fourchette de plus ou moins 12,5% en cas de modification trop violente des cours, et deux actions Vivendi pour une action Canal+. Cet échange valorise le groupe Seagram à 33,8 milliards de dollars, ce qui fait tout de même une bonne petite emplette pour Vivendi.
Quant à la gestion des activités du groupe, elle sera facilitée par la complémentarité des trois maisons. La division "images" sera dirigée par Pierre Lescure, "édition" par ...ric Licoys venu d’Havas, "musique" par Doug Morris chez Seagram, "télécoms" et "Internet" par Philippe Germond de Cegetel. Le nouvel ensemble, s’il laisse à chaque spécialiste la gestion de son domaine de compétences, devrait être totalement intégré. "La naissance de Vivendi Universal, s’est exclamé Jean-Marie Messier, c’est la fin du conglomérat Vivendi !"
On en saura plus entre septembre et novembre, lorsque l’opération de fusion-acquisition sera finalisée, et que les autorités européennes chargées du respect de la libre concurrence se prononceront sur la validité de la constitution de cet empire européen des médias.