Des scientifiques des Bell Labs et de la société E Ink affirment qu’on pourra bientôt imprimer des rouleaux de "papier électronique".
 E Ink / Lucent Technologies |
À la faveur d’un article paru mardi 24 avril dans les
Annales de l’Académie américaine des sciences (PNAS, Proceedings of the National Academy of Sciences), une équipe composée de scientifiques de la société E Ink et des Bell Labs (les labos de Lucent Technologies) a relancé l’intérêt autour du papier électronique. Ils affirment que toutes les conditions sont désormais réunies pour qu’on puisse imprimer des rouleaux prêts à l’emploi. En guise de papier, il s’agit en fait de feuilles de plastique entre lesquelles est déposée une encre très spéciale. Celle-ci est composée de micro-capsules, chacune étant remplie d’un colorant foncé et de minuscules sphères blanches chargées électriquement.
256 points, c’est tout
Selon le courant appliqué en chaque point, les sphères blanches s’amoncellent en surface ou, au contraire, sont noyées dans le colorant. Des points blancs ou foncés apparaissent donc à la surface de la feuille. E Ink commercialise déjà des écrans de formes variées pour de l’affichage publicitaire high-tech dans quelques magasins américains. Cette société, fondée par d’anciens chercheurs du MIT (Massachusetts Institute of Technology) et soutenue par plusieurs grandes sociétés dont Motorola, Philips et Vivendi, présentait en novembre dernier avec les Bell Labs un prototype d’écran flexible de 13 x 13 centimètres, qui n’affichait cependant que 256 points (16 x 16). Un bon début. Le 10 avril dernier, elle présentait, seule cette fois, un autre écran à encre de 12,1 pouces de diagonale, rigide, mais d’une résolution équivalente, affirment les concepteurs, à celle d’un écran classique. La vitesse de rafraîchissement des images reste limitée, mais ces écrans ont d’autres avantages, comme la légèreté et une très faible consommation électrique (jusqu’à 1 000 fois moins qu’un écran à cristaux liquides !).
L’imprimerie réinventée
 E Ink / Lucent Technologies |
John Rogers, directeur de recherche en physique de la matière condensée aux Bell Labs, et son équipe mixte de chercheurs sont à l’origine du prototype flexible et de l’article. Ils affirment que toutes les opérations nécessaires à la fabrication de l’écran à encre flexible - ou papier électronique - peuvent être industrialisées : fabrication de transistors plastiques (une technologie naissante mais qui progresse vite), isolation de ces transistors, dépôt de l’encre mais surtout impression de circuits sur la feuille. Les circuits sont en effet gravés par contact avec une sorte de tampon en gomme souple. E Ink s’est précisément tourné vers les Bell Labs de Lucent pour bénéficier de cette technologie (que Lucent vendrait à d’autres industriels). Le papier électronique pourrait donc être fabriqué dans des imprimeries new age. "
Il est clair que tous ces processus sont moins chers que pour les écrans non organiques", résume John Rogers. Mais il préfère rester prudent : "
Il est difficile de dire combien ça coûtera tant que nous ne sommes pas dans cette logique industrielle."
Le Monde en vidéo ?
Un journal électronique pourrait aussi afficher de la vidéo. C’est encore difficile puisque les prototypes souffrent d’une inertie de l’encre que John Rogers et son équipe tentent actuellement de combattre. Mais ils ne sont pas limités par les transistors en plastique qui commandent les points de la feuille : selon John Rogers, ces transistors atteignent déjà une fréquence d’1 kilohertz (1 000 changements par seconde). En revanche, de l’électronique plastique ne permettrait ni de stocker les données, ni de les transmettre rapidement à l’écran. Il faudrait donc inclure quelques composants électroniques classiques dans la tranche du journal. À quoi ressemblerait un journal électronique ? Selon John, les pages seraient simplement téléchargées sur Internet, via une liaison sans fil. Mais le journal électronique n’est qu’un débouché parmi d’autres. Téléphones portables et PDA pourraient, avant lui, faire entrer l’encre électronique dans notre quotidien.