L’Université catholique de Namur, en Belgique, propose, via son site web, des enseignements audio de licence d’informatique. Les cours en amphi sont enregistrés et diffusés tels quels : pauses cafés et éternelles blagues de profs comprises...
"Vous ne voyez pas bien Monsieur ? C’est à cause de votre voisin, hein. Il faudrait lui couper la tête, comme au cinéma... Venez donc devant, il y a de la place." Souvenirs, souvenirs... Le cours d’amphi, enregistré puis diffusé en real audio (en différé), a démarré sur le site de la fac depuis quelques minutes. Nous en sommes à l’introduction générale aux théories des organisations. L’exposé sociologique, rattaché à l’enseignement de l’informatique, va durer trois heures... Et déjà les quelques secondes consacrées au changement de place (bruits de chaises en prime) agacent quelque peu. Suivre un cours magistral, écouteurs enfoncés dans les oreilles et les yeux rivés sur l’écran, se révèle vite un vrai parcours du combattant. Et s’avère finalement plus soporifique que d’être - mal - installé sur un banc de la fac. Au bout de 45 minutes, après avoir religieusement tendu l’oreille pour entendre un énoncé qui semble clairement s’adresser à quelqu’un d’autre, la formule tombe comme un couperet : "Quelle est l’heure est-il, Madame Persil ?", lance l’enseignante, dont c’est la première expérience d’enseignement à distance. La blague signale que le moment de la pause cigarette est venu.
Listes de diffusion dédiées aux cours
Et là, ça se complique. Pendant plus d’un quart d’heure, l’internaute transformé en étudiant (ou l’inverse) a droit à un silence radio. Seules quelques bribes de conversations volées et de tables déplacées enregistrées par un micro indiscret comblent le vide sonore. L’interactivité, le grand dessein de l’éducation à distance sur Internet, est réduite à sa simple expression. Quelques reproductions de transparents viennent égayer l’écran et expliciter le cours.
L’initiative de l’Institut informatique de l’Université de Namur a pourtant de quoi faire rêver. Le site de l’université propose, dans le cadre des cours du soir, près de 200 heures de cours magistraux de première et deuxième année de licence (bac + 3 et bac + 4). En tout, près de 70 "travailleurs étudiants" y sont inscrits. La partie enseignement à distance comprend une dizaine de cours d’amphi sur la vingtaine indispensable à l’obtention des diplômes. Les étudiants choisissent (ou combinent) les méthodes d’études : cours de visu ou écoute sur Internet. "Certains étudiants ne se sont jamais déplacés dans mon cours. Pour les examens de janvier dernier, ils étaient cinq ou six sur une trentaine à avoir suivi les cours exclusivement sur Internet", explique Olivier Bonaventure, l’un des professeurs dont les cours sont diffusés sur la Toile. Pour développer les contacts en dehors des salles de cours, la plupart des profs disposent de sites web sur lesquels les étudiants leur adressent leurs questions. Et des listes de diffusion se sont montées, en complément des cours magistraux...
Résultats similaires
Olivier Bonaventure assure que les résultats sont similaires quelle que soit la scolarité choisie. "Nous nous adressons à des personnes qui suivent des cours en parallèle d’un travail", explique-t-il. La plupart sont satisfaits d’un système qui permet de réécouter un cours à tout moment. "Nous avons mis à disposition des étudiants un graveur de CD-Rom. Comme ça, ils peuvent avoir une copie sonore des cours", poursuit le prof. Avant d’ajouter : "La solution que nous employons est loin d’être parfaite, mais par rapport à d’autres initiatives, elle a l’avantage d’être accessible à de nombreux internautes, tant du point de vue technique puisqu’un simple modem suffit, que du point de vue des conditions d’accès au contenu. Tout est libre sauf quelques modules. Une université comme Stanford fait beaucoup mieux en termes de qualité du signal, mais si vous regardez le prix d’un cours à Stanford, vous verrez une sacrée différence."
En cours, un geste suffit
L’option choisie par l’Université catholique de Namur présente également l’avantage majeur de perturber le moins possible le travail des enseignants. Qui n’ont qu’à appuyer sur un bouton pour enregistrer leur cours. Olivier Bonaventure, professeur des protocoles des réseaux, admet pourtant la nécessité d’une adaptation due au développement de ce nouvel outil. "Nous devons faire un effort d’explication supplémentaire. En cours, un geste suffit quelques fois à pointer un problème, à illustrer une démonstration. Il s’agit par exemple de nommer ce que l’on montre", poursuit-il. Certains profs n’ont pas suivi l’initiative, jugeant que l’enseignement de leur matière était impossible, via des cours audio. Les mathématiques, notamment. L’omniprésence du tableau noir dans les cours s’accommode mal d’une diffusion en real audio.