Le procès au fond de l’affaire jeboycottedanone s’est ouvert mercredi 30 mai. Jugement le 4 juillet.
La passionnante affaire Danone a connu, mercredi 30 mai, un nouvel épisode avec l’ouverture du procès qui doit trancher la question de fond : le site jeboycottedanone, créé par Olivier Malnuit et soutenu par le réseau Voltaire, commet-il une contrefaçon et un dénigrement des marques de Danone ? Devant le tribunal de grande instance de Paris, Maître Michel-Paul Escande a attaqué, pour le compte de Danone, de façon assez véhémente. Reprenant un discours connu de bon élève, il a d’abord rappelé que les "restructurations" engagées par Danone répondaient à "l’impérieuse nécessité de la concurrence", exacerbée dans le secteur du biscuit. De même, Danone, en bon élève, licencie selon des conditions bien plus favorables que celles prévues par le projet de loi Guigou. Pour Me Escande, les sites incriminés se rendent coupables de contrefaçon en utilisant des détournements des logos et produis de la marque pour exprimer leurs critiques. "Il y avait mille autres moyens de désigner l’entreprise Danone", a-t-il rappelé sans ironie. Les contrevenants, même s’ils ne sont bien sûr pas des marchands de yaourt en ligne, tentant d’abuser de clients crédules, seraient de plus coupables de "dénigrement systématique" de la sacro-sainte marque. L’avocat de Danone en veut pour preuve l’utilisation d’images présentant par exemple un petit Lu dans un bain de sang. En conclusion, Me Escande a demandé à la juge d’arbitrer entre protection des marques et liberté d’expression en ne retenant pas d’exception de parodie, car cette dernière ne pourrait être légitime que si elle ne nuit pas au titulaire des droits. Au total, Danone a demandé 4 millions de francs de dommages et intérêts aux deux défendeurs. Le salaire versé par Technikart à Olivier Malnuit et les maigres finances militantes du Réseau Voltaire n’y suffiraient certainement pas...
Dictature des marques
En réponse, Me Emmanuel Pierrat, représentant Olivier Malnuit, a développé un argumentaire visant à faire évoluer le droit de la propriété intellectuelle face à la "dictature des marques". Citant entre autres les best sellers No Logo de Naomi Klein et 99 F de Frédéric Beigbeder, Me Pierrat a tenté de prouver que l’omniprésence de la publicité et des marques obligeait les citoyens-consommateurs à exprimer leurs critiques en utilisant les mêmes outils. "Jeboycottedanone est un site d’information fait par des journalistes qui se sont rendus à l’usine Lu de Calais. Et aujourd’hui, le droit à l’information s’étend aux marques semi-figuratives comme les logos", a-t-il revendiqué. En sus, Me Pierrat a naturellement demandé à la juge de reconnaître que l’exception de parodie était apparue dans la pratique du droit au cours des dernières années. Sur le point du dénigrement, il a rappelé qu’on pouvait lire sur le site des phrases comme "j’aime Danone" ou "ce doit sûrement être pire chez Nestlé". "Si cela constitue un dénigrement, tous les articles parus dans la presse aussi", a plaidé Me Pierrat. Abusant de son "droit de caprice", le géant du yaourt aurait d’ailleurs sciemment choisi d’attaquer un petit site plutôt que la grande presse. Suite à cette défense modérée, Me Brigitte Kadri a plaidé une ligne plus dure au nom du Réseau Voltaire pour la liberté d’expression. Fidèle à sa mission, l’association a d’abord demandé un sursis à statuer car elle a déposé une plainte pénale pour entrave à la liberté d’expression, menaces et chantage contre Danone. L’enquête concernant cette contre-attaque "ne manquera pas d’avoir une influence sur le cours de l’affaire". La plainte pénale, théoriquement suspensive des poursuites au nom du droit des marques, est pour l’instant devant le doyen des juges d’instruction, qui doit la déclarer recevable et nommer un juge. Sur le fond, Me Kadri a prôné le caractère absolu de la liberté d’expression qui, en tant que droit constitutionnel, ne peut souffrir de restriction, uniquement des dérogations prévues par la loi. "Si le droit prévoit qu’on puisse déroger à cette liberté au nom de l’ordre public ou de l’atteinte à autrui, la protection d’une marque n’entre pas dans ce cadre", a affirmé Me Kadri. Dans le combat contre ce qu’il considère comme un "abus de droit", le Réseau Voltaire regrette par ailleurs d’avoir à assumer les choix de défense d’Olivier Malnuit et Me Pierrat. "Leur argumentation ne nous bénéficie pas", a déploré son président Thierry Meyssan. Au-delà des stratégies des parties, le juge doit donc trancher une question de droit épineuse, qui pourrait créer un précédent nouveau dans la jurisprudence. Jugement le 4 juillet.
http://www.danone.com
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http://www.jeboycottedanone.net
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http://www.reseauvoltaire.net
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