C’est à se demander si les licences UMTS en valaient la peine : une flopée de technologies vont concurrencer le coûteux standard européen.
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Fallait-il payer des licences pour l’UMTS ? Georges Gilder jure que c’est une hérésie. Selon le consultant et célèbre polémiste américain, nous entrons dans un monde caractérisé par l’abondance de la bande passante, qui sera en conséquence gratuite comme l’air que l’on respire - ou presque.
Fréquences à gogo
"Le nouveau paradigme se manifeste dans l’utilisation d’une bande passante abondante, à des fréquences toujours plus élevées, pour compenser la nouvelle rareté de l’énergie et des équipements de commutation", écrit-il dans Telecosm. Selon ce prophète des télécoms, le Réseau du futur sera "wide and weak" - large pour faire passer plus de communications et faible en consommation d’énergie pour limiter les relais d’amplification et allonger la portée des transmissions. Mais il s’agit là de détails techniques. Ce qui nous intéresse, à propos de l’UMTS, c’est cette prédiction : à l’avenir, les communications sans fil emprunteront des fréquences plus élevées, encore inexplorées.
On maîtrise encore mal ces régions hautes du spectre ; notamment on ne sait pas comment émettre des ondes qui traversent les murs. Délicat, pour une application de téléphonie mobile... Mais tout cela est en train de changer. Déjà, l’UMTS fonctionne à 2,5 Mhz, un exploit technologique par rapport à ce qui se faisait il y a dix ans. La nouvelle décennie verra probablement le moyen de conquérir d’autres sommets du fameux arc-en-ciel de Maxwell, qui décrit le spectre d’ondes.
Les ...tats vont-ils continuer à appliquer des licences payantes à cette ressource infinie d’ondes ? Gilder n’y croit pas, les forces de la conservation finiront par être terrassées, argumente-t-il. Le petit monde des télécoms européens, lui, ne se soucie pas trop de cet oiseau de mauvaise augure. Pensez donc : prétendre qu’il y a de la place pour tout le monde, ce serait saper le fondement d’un "monopole naturel" de deux ou trois puissants de la téléphonie et de la radio. Exactement comme l’explosion des radios libres.
Alternatives technologiques
Certes, les paroles du prophète prêtent à sourire. Dans le monde réel, les clients attendent l’Internet mobile sans se soucier des progrès technologiques à venir. D’où l’UMTS. Or, avant même que ce dernier ait vu le jour, d’autres technologies viennent le concurrencer ! Nul besoin d’une licence pour utiliser la norme Mobile Wide Local Area Network (MWLAN), développée par le Finlandais Hannu Kari. Il suffit de faire passer les communications par les dorsales filaires du Réseau et de les relayer localement par des cellules MWLAN. Les boîtiers MWLAN doivent être distants de 80 mètres pour un maillage efficace. Cela fait certes beaucoup d’antennes, mais en milieu urbain, l’investissement en vaut la chandelle. Car il n’y a pas de licence à payer pour émettre dans les 2,4 gigahertz. De plus, le MWLAN permet des débits de 54 Mbits par seconde, alors que l’UMTS est limité à 2 Mbits. Si cette technologie connaît des limites à son développement, elle présente une véritable alternative.
Il y en a d’autres. Ne serait-ce que la fameuse norme Bluetooth pour les communications sans fil entre objets numériques, de l’ordinateur à l’électroménager en passant par l’agenda personnel. Développée par un consortium emmené par Ericsson, cette norme fait parler d’elle depuis deux ans déjà. Elle bénéficie de soutiens financiers et marketing des ténors de l’électronique et de l’informatique comme IBM - contrairement à MWLAN. En principe, Bluetooth crée un réseau local entre les appareils, dotés d’une adresse IP. On peut imaginer qu’à proximité de ma voiture, mon téléphone se connecte à l’écran de navigation embarquée, dans mon bureau, à mon ordinateur, chez moi, à l’interface... frigo. Dans un rayon de 500 mètres, deux mobiles pourraient communiquer via Bluetooth - alors qu’aujourd’hui le rayon de l’émetteur-récepteur UMTS est de 200 mètres seulement. L’avantage de cette technologie, c’est que la puce est extrêmement bon marché, autour de 33 francs.
Un réseau hétérogène
Ce n’est pas tout. Tout laisse à croire que le réseau sans fil de l’avenir ne sera pas un beau système coulé d’un seul bloc dans le paysage des télécoms européennes. Dans un contexte de privatisation, où la concurrence des groupes et des standards fait rage, alors que la raison d’être d’Internet est justement de faire communiquer des infrastructures informatiques hétérogènes, on ne voit pas pourquoi l’Internet mobile serait monolithique. Il faudra compter avec l’UMTS, mais aussi avec un GSM en fin de vie, avec l’apparition du GPRS, d’Edge, avec les nouvelles technologies sans fil comme HiperLAN. Voire avec les standards japonais. La console PlayStation 2 est déjà prête à communiquer à la norme équivalente de l’UMTS au Japon. NTT DoCoMo se prépare à sortir ses combinés cellulaire Foma (3G) en mai au Japon et multiplie les accords avec les opérateurs américains (AT&T) et européens (Telecom Italia Mobile, KPN). Parfois, ça vaut vraiment le coup de faire de la veille technologique avant de mettre la main au porte-monnaie.
Quelques livres :
Telecosm. How Infinite Bandwidth Will Revolutionize Our World, de George Gilder, éd. Free Press, NY, 2000
UMTS. Les réseaux mobiles de troisième génération, de Harri Holma et Antti Toskala, éd. Osman Eyrolles Multimedia