L’Union des étudiants juifs de France (UEJF) a envoyé, mardi 20 mars, une lettre à Napster, l’invitant à filtrer les fichiers MP3 de chants et discours néo-nazis qui s’échangent sur son réseau. Patrick Klugman, vice-président de l’UEJF, explique sa démarche.
Pourquoi avez-vous décidé de passer à l’action ?
Dans une réunion, notre cellule de veille internet nous a annoncé avoir trouvé sur Napster plus d’une centaine de fichiers intitulés "Adolf Hitler" ou "Joseph Goebbels". Ces fichiers sont des discours sur la "juiverie" ou des remix technos de chants nazis. Cette action s’inscrit dans un axe de recherche de l’UEJF : viser les sites grand public sur lesquels peuvent se trouver des fichiers racistes, plutôt que les sites néo-nazis eux-mêmes. Personnellement, je trouve plus grave de trouver un MP3 raciste entre les mains d’un gosse de 14 ans qu’entre celles d’un néonazi.
Mais la présence de fichiers audio néonazis a été mis en évidence depuis plusieurs mois, notamment en Allemagne. Pourquoi avoir attendu si longtemps pour agir ?
Honnêtement, nous sommes complètement passés à côté à l’époque ! Mais ce n’est pas important, parce que le problème se pose encore aujourd’hui. De plus, il y a une donnée qui a changé : Napster est capable de mettre en place un système de filtrage pour faire respecter le copyright. Or, un filtre fait ce qu’on lui dit de faire. Il est possible de bloquer l’accès à ces fichiers néonazis. C’est le bon moment pour agir.
Dans la lettre envoyée à Napster, vous dites que vous ne pouvez croire que cette entreprise accepte que le racisme soit une valeur partagée par la communauté napstérienne. Vous pensez que vos arguments vont porter ?
Oui. D’ailleurs, nous n’attaquons pas Napster, nous nous contentons de l’alerter. Nous avons privilégié une approche soft, car il nous semble que c’est dans l’intérêt du site que de protéger ses membres de ce genre d’abus. Je pense que les responsables de Napster n’auront pas la morgue et l’arrogance du PDG de Yahoo !, ils nous écouteront. Les entreprises, même américaines, commencent à être chatouilleuses sur des questions d’éthique. Elles ne veulent plus de ce genre de publicité. Le but de nos actions, nous autres Européens, est de les faire réfléchir, de les sensibiliser à ces questions, pour les faire changer de point de vue.
Et si Napster refuse de vous entendre, envisagez-vous des actions judiciaires ?
Pour l’instant, la question ne se pose pas. Mais de telles actions sont possibles en cas de refus. Quand je télécharge un morceau raciste en France, je commets quelque chose d’illégal ici. Donc rien ne nous empêche d’attaquer Napster. Quitte à faire appliquer la sanction en exequatur [c’est-à-dire faire appliquer la décision sur le territoire américain - NDLR] si Napster est condamné.