Règles délirantes, interactivité, travail à distance... que du bonheur !
L’OuBaPo (OUvroir de BAnde dessinée POtentielle) est un genre de BD qui s’inspire de l’OuLiPo, le courant littéraire lancé par Raymond Queneau. Les 5 et 6 avril dernier, les dessinateurs oubapiens ont fait une performance remarquée aux rencontres BD à Bastia. Ils reviennent à Paris le 24 avril.
Tout le monde connaît l’OuLiPo, célèbre courant littéraire initié par
Raymond Queneau dans les années 60, et ardemment suivi par Georges Perec. De
ce mouvement encore vivace en France, sont nés diverses variantes, comme
l’OuLiPoPo (OUvroir de LIttérature POlicière POtentielle) ou l’OuPhoPo
(OUvroir de PHotographie POtentielle).
Une des oeuvres histoires créées par les OuBaPiens, les 5 et 6 avril
Le processus de base est assez simple : engendrer une création sous la contrainte de règles fixées à l’avance, pour éliminer toute appréciation subjective et laisser faire le hasard des combinaisons. En littérature, on se souvient par exemple du très célèbre ouvrage de Georges Perec, La Disparition, un roman que l’auteur avait amputé de la lettre "e".
Les 5 et 6 avril dernier, l’OuBaPo, la frange bande dessinée du mouvement, néée le 28 octobre 1992, était de sortie. L’événement avait lieu dans le cadre des rencontres BD à Bastia, en liaison avec le festival de bande dessinée suisse Fumetto, qui se déroulait aux mêmes dates.
A Bastia, le public a pu assister à un étonnant spectacle en live. Reliés par des webcams, les dessinateurs présents dans les deux festivals, qui déposaient leurs oeuvres en ligne sur un serveur commun, se sont livrés à une impressionnante joute graphique.
Penser à ne pas se prendre au sérieux
De 11h à 19h, deux jours durant, les dessinateurs oubapiens ont produit des cases qui, assemblées par quatre, formaient nombre de petites histoires, imprimées sur place. Abreuvé en direct de cette production interactive et débridée, le public semblait parfois un peu perdu dans le processus de création, original.
Les dessinateurs participant depuis la Suisse et la Corse s’étaient fixés des règles symboliques de l’esprit OuBaPo : "relater en deux cases deux nouvelles entendues à la radio le matin même" ou "reproduire une vue du paysage avec, en cartouche, une pensée intime", ou encore "trouver deux cons dans un bar et faire état de leur débat".
Comme tout événement pataphysique digne de ce nom, les règles en vigueur recommandaient aussi de ne pas se prendre au sérieux.
L’OuBaPo compte aujourd’hui parmi ses membres les plus actifs les dessinateurs et bédéphiles Gilles Ciment, Jean-Christophe Menu, Lewis Trondheim, Jochen Gerner, François Ayroles, et Etienne Lécroart.
L’ensemble des oeuvres produites les 5 et 6 avril sera édité à la rentrée par l’Association, une respectable maison dans le milieu de la bande dessinée alternative, dont le catalogue regorge de curiosités.
Pour ceux qui auront raté BD à Bastia, les oeuvres produites à cette occasion ont été mises en ligne sur le site du festival Fumetto.
Mieux, une nouvelle performance oubapienne se déroulera à la galerie Anne Barrault à Paris, le 24 avril prochain. Les dessinateurs ont annoncé qu’il s’agirait cette fois-ci de créer des oeuvres en volume, mais gardent un voile de mystère sur cette prochaine apparition.