Avec Zazieweb, Isabelle Aveline a développé l’un des sites littéraires les plus originaux en France.
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Quand et comment avez-vous découvert Internet ?
En 1995, début 1996, l’Internet débarquait en France avec les offres de connexion grand public de Imaginet et de Club Internet. On découvrait l’HTML et les belles pages à fond gris des premiers sites, les liens hypertexte. Je me souviens qu’il fallait faire la queue à Beaubourg pour surfer sur l’unique poste connecté... Je me souviens que nous avions la sensation d’être les pionniers d’un nouveau monde et nous voguions vers des terres inconnues !
Pourquoi vous êtes-vous impliquée dans Internet ? Quel a été le déclic ?
Sur quelques sites canadiens, je surfais en français et Amazon faisait ses premiers pas. Dans l’immense vacuité du Web francophone, l’idée m’est venue d’apposer ma trace, des repères, un parcours... Venant du monde de l’édition, j’ai voulu un site faisant la passerelle entre le livre et l’Internet, avec des infos, des surfs, des services. D’où zazieweb, site perso d’un esprit plutôt livresque se baladant sur le Réseau...
Quand avez-vous compris que cela allait vraiment décoller en France ?
Mon dieu ! Cela a-t-il décollé ? J’ai plutôt l’impression qu’on a vécu une « bulle spéculative » et illusoire, fort lointaine de l’Internet réel, communautaire et non marchand ! L’Internet réaliste, lui, n’a pas décollé... Il a toujours été là ; il survit ou s’étiole dans des espaces plus ou moins éphémères et, de toute manière, souvent bénévoles.
Comment avez-vous vécu la période automne 1999-printemps 2000 ? Que faisiez-vous ?
J’avais démissionné de mon job en Web agency pour déménager de Paris à Lyon. L’occasion de changer de repères. J’emmenais zazieweb avec moi. Et ça a été l’opportunité, dans une ville où je débarquais, d’intensifier le projet, de passer d’un site perso à un site communautaire, de développer des fonctionnalités interactives.
Comment analysez-vous aujourd’hui cette frénésie de huit mois ?
Un appel d’air. Puis, une bouche d’ombre.
Quel a été, selon vous, le signal de la chute des dotcoms ?
Bouh-boo et les autres qui ont suivi. Puis, les copains que je voyais démissionner de poste en poste. Aujourd’hui, beaucoup sont en vadrouille ou ont réintégré l’ancienne économie. Certains font des BB, pas des start-down web, des vrais !
Que faites-vous aujourd’hui ?
Ce que je faisais avant ! Et l’on développe le site avec les moyens du bord ! Mais toujours de nouveaux petits projets sympathiques, de nouvelles idées. Zazieweb, c’est aujourd’hui une association qui a pour vocation la promotion et mise en avant des « petits éditeurs », la diffusion de la littérature contemporaine indépendante, la mise en relation sur le mode interactif du Web des lecteurs-auteurs-éditeurs via les espaces persos... et pleins d’autres choses en devenir !
Croyez-vous toujours autant à Internet ?
Oui, comme un espace de mise en réseau qui modifie la donne des rapports interpersonnels, des relations de pouvoir, des modes de communication et de relation.
Croyez-vous au commerce en ligne ? Croyez-vous à l’avenir du Web non marchand ?
Le commerce en ligne est valable pour des micro-marchés (paradoxe ?), des niches ou bien pour l’artillerie lourde : supermarchés qui ont les moyens d’assurer une logistique lourde et de tenir sur la durée sans forcément gagner d’argent : le Web reste la plus belle des vitrines de promotion et de marketing !
Comment voyez-vous les années à venir ?
Ma foi, là, j’imagine que c’est un peu le creux de la vague pour l’Internet en général, des sites et projets plus personnels et fort intéressants pointent leur nez... A suivre dans les repérages du Fil du Net de zazieweb. On se laisse un an, deux ans. Finalement l’Internet est une économie lente : incroyable non ?
Croyez-vous toujours dans ce qu’on a appelé la « netéconomie » ?
No Futur et No Logo comme qui dirait.
Quelles vont être, selon vous, les futures grandes échéances et que vont-elles apporter ?
Un jour, on s’apercevra à nouveau de la viabilité d’une certaine publicité de niche sur Internet, on redécouvrira des sites inconnus, la BNF aura archivé les ancêtres et les pionniers du Web. Ce sera un signe. Le signe de passer à autre chose ou de perdurer. Un jour, mon Web viendra, quoi !
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