Après la suspension de SiteFinder, le fondateur d’IcannWatch analyse ce différend exemplaire
Après avoir reçu, vendredi 3 octobre, une injonction de l’Icann, Verisign a
finalement suspendu SiteFinder, son système qui redirigeait l’internaute qui tapait une adresse erronée vers un moteur de recherche dédié et sponsorisé. Auparavant, cet énorme trafic n’arrivait sur aucune page et ne profitait à personne. Le 15 septembre, la mise en place de SiteFinder par la société américaine qui gère les noms de domaines en .com et .net avait provoqué l’ire de nombreux acteurs de l’internet. Et en particulier de l’Icann, l’organisme chargé de réguler l’attribution des noms de domaines sur internet. Mais malgré une condamnation unanime et un avis négatif de l’autorité "officielle" Icann, Verisign avait jusqu’ici tenu bon.
La suspension de SiteFinder n’est sans doute que temporaire. Verisign a certes cédé aux menaces, mais a affirmé que l’Icann n’avait aucune autorité en la matière. Montrée du doigt, la société a dit qu’elle se "battrait" contre les règles "imposées par quelques types qui ont décidé seuls de la manière de faire" sur l’internet. L’argent que rapportait SiteFinder était important pour permettre à Verisign, spécialiste de la sécurisation, de protéger l’infrastructure du Net, a également déclaré son vice-président, Rusty Lewis.
Michael Froomkin est l’un des fondateurs du site Icannwatch.org, créé pour suivre avec acuité les activités de l’Icann et lui imposer plus de transparence. Pour ce spécialiste, professeur de droit à l’université de Miami, cette affaire est révélatrice des dysfontionnements dans la régulation de l’Internet.
Lorsqu’il a lancé SiteFinder, Verisign n’a demandé aucune autorisation. N’y avait-il pas obligation pour eux d’en référer à une organisation comme l’Icann ?
Michael Froomkin : Non, pas vraiment. Ils n’étaient pas plus soumis à une quelconque
obligation qu’une entreprise française qui voudrait lancer un nouveau modèle de papier... L’Icann et Verisign sont liés par un certains nombre de contrats, signés sous l’égide du gouvernement américain. Mais aucun d’eux ne donnait clairement à l’Icann l’autorité suffisante pour ordonner à Verisign de mettre fin à SiteFinder.
Pourquoi, dès lors, Verisign a-t-il fini par arrêter ce "service" ?
A cause de la publicité désastreuse que cette initiative a causé. Verisign a aussitôt été haï de la communauté des techniciens, son image a été gravement ternie par cette affaire. Je suppose aussi, sans en être sûr, qu’ils n’avaient pas vraiment anticipé toutes les conséquences de leur décision, comme par exemple les emails envoyés à une adresse erronée, qui n’étaient plus renvoyés à l’expéditeur.
De quels pouvoirs disposait réellement l’Icann dans cette affaire ? Ne pouvait-il que "faire pression" ?
Le débat sur les pouvoirs de l’Icann est sans fin. Dans le contexte actuel, ses pouvoirs n’étaient que contractuels, et non légaux. L’Icann a donc menacé de porter l’affaire devant la justice. Ainsi, même s’il y avait toujours moyen de chipoter sur la nature des contrats le liant à Verisign, l’Icann pouvait les accuser d’avoir "cassé l’internet", un message qu’un juge aurait entendu...
Qui d’autre que l’Icann aurait pu stopper Verisign ?
Le gouvernement américain.
Les responsables de Verisign disent "étudier leurs options". Pensez-vous qu’ils relanceront, à terme, SiteFinder ?
Je ne peux lire dans leurs pensées. Mais c’est fort probable, étant donné que ce service pouvait leur rapporter pas mal d’argent.
Quels conséquences peut avoir l’affaire Verisign à l’avenir ?
Il faut savoir que ce qui a été très mal perçu n’est pas SiteFinder en lui-même, mais la façon dont il a été imposé. Dans un monde meilleur, un monde dans lequel l’Icann n’aurait pas freiné l’apparition de nouveaux TLD (Top level domains ou extensions de noms de domaine, .com ou .fr, par exemple, Ndlr) et n’aurait pas maintenu une disette artificielle des noms de domaines, nous aurions une multitude de TLD, parmi lesquels de nombreux auraient un système similaire à SiteFinder (.museum en dispose déjà, Ndlr). Seulement, les internautes le sauraient à l’avance, et sauraient comment ces services fonctionnent, à quelles règles ils répondent...
Que faudrait-il changer, dans l’Icann, pour éviter ce genre de dérive ?
Tout.
Verisign:
http://www.verisign.com
Icann:
http://www.icann.org
Icann watch:
htpp://www.Icannwatch.org
Discourse (blog de Michael Froomkin):
http://www.discourse.net
Lettre d’injonction envoyée par l’Icann à Verisign:
http://www.Icann.org/announcements/...
La page personnelle de Michael Froomkin (Université de Miami):
http://www.law.tm/
"Innovation and the Internet", tribune d’un des vice-présidents de Verisign (News.com):
http://news.com.com/2010-1071-50867...