L’Australie est le premier pays industrialisé à avoir mis en place une véritable censure de l’Internet. Le pays compte aujourd’hui faire un grand pas en avant en interdisant l’évocation de tous les "thèmes adultes", sous peine d’amendes.
En 1999, l’Australian Broadcasting Authority, l’équivalent australien du CSA français (Conseil supérieur de l’audiovisuel) a été chargé de réguler l’Internet. Conséquence : le Web se retrouva traité à l’instar des films et des vidéos, doté d’une échelle classant les contenus potentiellement offensants. Cette mesure fut perçue par les défenseurs de la liberté d’expression comme une véritable censure. En effet, si les films pornos sont interdits de vente aux mineurs, il est possible pour un adulte d’en louer dans les sexshops ou encore d’attendre minuit pour en voir un à la télé. Rien de tel sur le Web : les sites risquent tout bonnement d’y être interdits, puisque consultables par n’importe qui à n’importe quel moment. En novembre 2000, le gouvernement de l’Australie du Sud introduisit un nouveau projet de loi censé renforcer la législation existante, jugée par trop laxiste. L’examen parlementaire devrait normalement débuter le 13 mars prochain, la proposition de loi devant normalement s’étendre à l’ensemble du territoire australien. Entre autres objectifs : proscrire toute évocation des "thèmes adultes", et ce même si seuls des adultes peuvent y accéder.
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Selon l’Electronic Frontier Australia, tout site web proposant des contenus pouvant, potentiellement, ne pas convenir aux enfants, peut être condamné à une amende de 10 000 dollars australiens(38 000 F). Ceci vaut tout autant pour les messages postés sur des newsgroups que pour les archives des mailings-listes. Et ce même si ces documents sont protégés par un système de mots de passe délivrés à la condition expresse de faire la preuve que l’on est bien un adulte. À titre de comparaison, la vente de matériel "offensant" à un mineur est punie, au maximum, de 5 000 dollars australiens (19 000 F) lorsqu’elle a lieu "hors ligne". Enfin, pour ce qui est des thèmes jugés non appropriés pour les enfants, ils sont nombreux et couvrent large spectre : le sexe, bien sûr, mais aussi un grand nombre de sujets politiques et sociaux, tels que la référence au suicide, au crime, à la corruption, aux problèmes de couple, aux traumatismes émotionnels, à la dépendance à l’alcool et autres drogues, sans oublier la mort et les maladies graves, le racisme, la religion... Bref, à part s’exprimer comme un bébé, ou reprendre les slogans publicitaires politiquement corrects, le mieux est encore ne rien écrire du tout.
Une censure politique
Interrogé par le journal Australian IT, Michael Baker, de l’Electronic Frontier Australia, voit dans ce projet de loi un réel danger en matière de liberté d’expression : "Il s’agit là d’une censure politique rampante", dit-il, car la loi cherche à interdire sur le Web des choses qui ne le sont pas par ailleurs, ainsi qu’à criminaliser tout débat dès lors qu’il "pourrait" ne pas être approprié pour les petits enfants. De plus, la définition de ce qui peut être offensant n’est pas clairement énoncée, mais laissée à l’appréciation d’un Office de classification des films et de la littérature (OFLC). Une personne peut ainsi être condamnée pour avoir publié, en toute bonne foi, un contenu jugé non conforme, sans même avoir été préalablement informée du problème en cours, ou s’être vue demander de le retirer.