Le ministère de la Justice sud-africain veut adopter une loi sur la cybersurveillance dont le contenu est vivement contesté par les associations de défense de la vie privée.
La tension monte sur le Web sud-africain. Objet de cette grogne : le projet de loi sur la cybersurveillance que prépare le ministère de la Justice. Publié le 17 juillet, le texte du projet de loi devait être soumis jusqu’au 13 août aux commentaires du public et des associations. Un délai, estiment ces dernières, un peu court pour contester un projet de loi. Outre une extension du délai de concertation, les associations tentent aujourd’hui d’obtenir des modifications dans le texte. Car pour le Media Institute of Southern Africa (MISA), un organisme non gouvernemental de promotion d’une presse libre et indépendante, et le Freedom Of Expression Institute (FXI), ce projet de loi représente un danger tant pour le respect de la vie privée des citoyens que pour le développement d’Internet et des nouvelles technologies en Afrique du Sud. Interview de Raymond Louw, l’un des membres du comité directeur du MISA.
L’Afrique du Sud dispose déjà d’une loi de sécurité sur l’interception des communications (Interception and Monitoring Prohibition Act) depuis 1992. Quel est l’objet de ce nouveau texte de loi ?
Le gouvernement a jugé qu’il avait besoin de se doter d’une nouvelle régulation pour étendre les dispositions de la loi existante aux nouveaux moyens de communication comme l’Internet, les mails et surtout les téléphones mobiles.
Depuis le 13 août, avez-vous réussi à obtenir une extension du délai de concertation sur la loi ?
Le Freedom Of Expression Institute, le SANEF (South Africa national Editor’s forum) et nous-mêmes (le MISA) avons obtenu une promesse verbale du ministère de la Justice. Mais cette réponse n’est pas satisfaisante car il ne s’agit pas d’une permission manuscrite et officielle. Nous attendons une notification d’extension du délai officiel.
Quelles dispositions de la loi contestez-vous exactement ?
La loi est assez imprécise. Elle permet aux officiers de police et aux responsables du ministère de la Justice de mettre en œuvre une procédure d’écoute dès lors qu’il existe une présomption satisfaisante d’offenses sérieuses ou de menaces envers le gouvernement et la sécurité de l’...tat. Le problème est que ces "offenses" ne sont pas définies, même de façon minime.
Le texte prévoit quand même que les autorités aient recours au dispositif d’écoute après l’accord d’un juge ?
Oui, la requête auprès d’un juge est supposé être un garde-fou [une disposition d’ailleurs déjà présente dans la loi de 1992, NDLR], mais la nouvelle loi laisse trop de possibilités de contourner ces restrictions, justement à cause de ce manque de définitions des présomptions de crimes. Par exemple, si un responsable de police assure que l’affaire sur laquelle il enquête représente une menace pour la sécurité nationale - entre nous, quelle est la définition d’une "menace pour la sécurité de l’...tat ? - le juge n’a plus qu’à être convaincu de l’importance de l’enquête pour donner son accord. C’est une des présomptions dont les autorités pourraient abuser. De la même façon, ce manque de précision laisse trop de marges de manœuvre aux autorités pour surveiller les médias sud-africains. La lutte pour une presse indépendante et libre est très active en Afrique du Sud.
En quoi la loi peut-elle compromettre le développement du Net en Afrique du Sud ?
Elle oblige tous les fournisseurs d’accès à s’équiper, à leurs frais, pour être en mesure de répondre à des enquêtes sur leurs clients. Le gouvernement peut imposer les techniques d’écoutes. Les sociétés vont donc augmenter le prix des connexions et de leurs services. De plus, si un service de télécommunication n’est pas en mesure de permettre des écoutes, il devra fermer.