Une start-up australienne aurait acheté au gouvernement des îles Tonga le droit exclusif d’effectuer des études sur l’ADN de ses habitants.
Ce pourrait être le scénario d’un mauvais téléfilm : Joseph Gutnik, la cinquantaine, juif pratiquant, père de dix enfants, ancien chercheur d’or devenu millionnaire, grand amateur de football australien, achète le droit exclusif sur le patrimoine génétique de la population d’un petit paradis du Pacifique Sud, les îles Tonga. Hélas, cette sombre histoire ne relève pas de la fiction. Bien que, selon le Figaro du 29 novembre, le ministre tonguien de la santé ait démenti ces informations, le Quotidien du Médecin et Wired affirment qu’un accord a bien été passé entre le gouvernement des îles Tonga et Autogen, la start-up australienne de Joseph Gutnik. Après avoir diversifié son activité dans le nickel, le cobalt et le diamant, ce dernier s’est en effet lancé récemment dans le business du génome humain.
Une population particulière
Situées au nord-est de la Nouvelle Zélande, les îles Tonga n’ont pas été choisies au hasard par la compagnie australienne. Leur population comporte en effet des caractéristiques qui en font une base idéale de recherche. D’une part, la proportion de personnes souffrant d’obésité et de diabète y est particulièrement élevée. D’autre part, l’isolement et la taille de la population (108 000 habitants) fournissent des conditions idéales pour étudier si la prévalence d’un gène joue un rôle dans une maladie particulière, à travers la comparaison des familles et des générations. En 1998, les parlementaires islandais avaient déjà accordé à deCode Genetics, une société privée, le droit de mettre en place un fichier génétique des habitants de l’Islande, une île également isolée et peu peuplée.
Au nom de la lutte contre la maladie
D’après les informations fournies par un des dirigeants d’Autogen, les études auront lieu sur des personnes volontaires. L’examen des échantillons d’ADN et de sang des Tonguiens devrait donner lieu à la constitution d’une base de données sur le patrimoine génétique des habitants. Mise à la disposition d’autres sociétés (on ignore sous quelles conditions), cette base de données pourrait aboutir à la découverte de médicaments pour lutter contre certaines maladies, telles que le cancer, les maladies cardio-vasculaires et l’hypertension. Bon prince, un des représentants d’Autogen a indiqué que la société verserait tous les ans au gouvernement tonguien des royalties provenant des revenus générés par ces découvertes. Il a également précisé que les médicaments issus de ces recherches seront offerts aux habitants ! Vraisemblablement effectué dans un souci d’apaisement, ce geste ne fait pourtant pas oublier le côté mercantile de cette histoire, celle d’une start-up qui n’hésite pas à se payer une population pour faire avancer ses recherches.