Le Premier ministre a présenté les grandes lignes de la révision des lois sur la bioéthique, ouvrant la voie à l’utilisation scientifique d’embryons surnuméraires et au clonage thérapeutique.
En pesant soigneusement ses mots, Lionel Jospin a dévoilé brièvement, lors de l’ouverture des Journées annuelles d’éthique mardi 28 novembre, les orientations du projet de loi sur la bioéthique. Celui-ci sera présenté en mars prochain en Conseil des ministres puis au Parlement au deuxième trimestre 2001. Si elle était adoptée, la nouvelle loi de bioéthique bouleverserait les règles votées en 1994 qui interdisent toute exploitation d’un embryon à des fins de recherche. Le Premier ministre envisage d’autoriser désormais "la recherche sur l’embryon" pour "l’amélioration des techniques de procréation médicalement assistée" et "la recherche de nouveaux traitements". Mais cette recherche sera limitée aux "embryons surnuméraires, actuellement congelés, ayant fait l’objet d’un abandon du projet parental et dépourvus de couple d’accueil". En France, 30 000 à 60 000 embryons conçus au départ pour être implantés dans l’utérus ont en effet été congelés et sont désormais "inutiles".
Des chercheurs impatients
Ces embryons surnuméraires permettraient notamment d’étudier les cellules souches, les toutes premières cellules de l’embryon qui se transforment ensuite, alors qu’elles sont toutes semblables à l’origine, en peau, en muscle ou en neurones. Ces recherches permettraient notamment de comprendre le mécanisme de différentiation des cellules et auraient de multiples applications thérapeutiques. Si nécessaire, les chercheurs auraient la possibilité de faire appel au clonage thérapeutique, c’est à dire la création à partir d’une cellule d’un patient de cellules d’embryons compatibles pour une future greffe. Le Premier Ministre s’est bien gardé d’utiliser le mot clonage pour éviter tout malentendu, mais il s’agit bien de cela. En revanche - et c’est plutôt rassurant -, le projet de loi interdit explicitement le "clonage reproductif", c’est-à-dire le clonage de bébés tel qu’on l’entend généralement.
Les chercheurs français attendent depuis longtemps une révision de la loi sur la bioéthique. Il ne s’agit pas de savants fous, mais de spécialistes sérieux de la procréation médicalement assistée qui ont entrevu toutes les applications des recherches sur les cellules souches, mais ne peuvent pas mener leurs projets à terme en France. Certains n’ont d’ailleurs pas hésité à s’exiler ou à confier leurs travaux à des labos étrangers. Naturellement, pour éviter tout débordement, une instance de contrôle puissante est indispensable, et l’avant-projet de loi l’a prévue. Elle serait notamment composée de 18 membres nommés par le président de la République, des présidents des Assemblées ainsi que d’autres instances et de représentants d’associations de malades. Elle aurait le pouvoir de contrôler l’application de la loi, mais aussi d’en adapter les textes en fonction de situations nouvelles.