J’accuse... les fournisseurs d’accès
Une association anti-raciste porte plainte contre 16 fournisseurs d’accès, accusés de ne pas bloquer l’accès à un portail néo-nazi. Problème : légalement, ils n’en ont pas le droit.
L’association J’accuse... ! assigne en justice 16 fournisseurs d’accès à Internet (FAI), ainsi que l’AFA, le syndicat professionnel qui les représente en France. Le 25 mai, Action Internationale Pour la Justice (AIPJ), nom officiel de l’association créée en mars dernier pour "combattre le racisme sous toutes ses formes et sa diffusion par l’Internet en particulier", leur demande par lettre recommandée de bloquer l’accès à front14.org, un site américain. Plus précisément, ce portail a été créé pour héberger gratuitement tous ceux qui, "white suprematists", racistes, fascistes, néo-nazis et autres sbires de mauvais acabit, voyaient leurs sites coupés par leurs fournisseurs d’hébergement gratuits. Front14, qui héberge plus de 400 sites, dont plusieurs en français, se targue ainsi d’accueillir ce qui se fait de mieux en matière d’incitation à la haine. Un ramassis, qualifié par J’accuse... ! d’"incubateur du néonazisme sur le Net". N’ayant aucun moyen de faire interdire ce site sur le territoire américain, l’association espérait pouvoir régler le problème en faisant appel au sens des responsabilités des FAI. C’est d’ailleurs ainsi, en négociant discrètement, qu’eBay décida finalement de retirer toutes les enchères nazies de son site. De même, et à la demande de l’association des Enfants de l’Holocauste, les trois principaux opérateurs suisses ont décidé de couper l’accès à front14.org. Marc Knobel, chercheur au Centre Simon Wiesenthal, vice-président de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra) et président de J’accuse... !, entendait donc résoudre ce problème en toute discrétion, sans faire de vague médiatique, ni être obligée d’aller jusqu’au procès.
Un imbroglio technico-judiciaire
Sauf que la loi s’applique à tout le monde, y compris aux FAI. En leur nom, l’AFA répondit, le 11 juin, qu’ils ne peuvent se substituer à la justice et qu’ils n’ont pas à couper l’accès à quelque site que ce soit en l’absence d’une décision judiciaire. Dans un communiqué de presse, l’AFA avance que "les fournisseurs d’accès ont un rôle certes important, mais ce n’est pas celui de contrôler ni de limiter de leur propre chef les allées et venues sur Internet de tous les citoyens, ni les informations qu’ils échangent. Ce rôle de contrôle appartient aux seuls pouvoirs publics." L’avant-projet de Loi sur la société de l’information (LSI) autorise ainsi un juge à "prendre toutes mesures propres à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d’un service de communication en ligne". Autrement dit, un juge pourra demander à un FAI de bloquer l’accès à tel ou tel site. Mais la LSI n’a pas encore été votée, et, de toute façon, bloquer l’accès à un site quel qu’il soit est un défi technique autrement plus difficile que ne l’est le filtrage des internautes tel qu’évoqué dans l’affaire Yahoo. L’internet ayant été conçu comme un outil permettant encore de communiquer quand bien même tel ou tel intermédiaire du réseau aurait été détruit, on voit mal comment une décision judiciaire pourrait aller à l’encontre d’un protocole technique...
Lire aussi : Populisme et démagogie
Le site de J’Accuse...!:
http://www.jaccuse-aipj.org
Le communiqués de presse de l’AFA:
http://www.afa-france.com/html/acti...
Petit historique des procès antifachistes:
http://www.minirezo.net/article296.html