Interpol et le secteur privé vont pouvoir améliorer leur coopération en matière de lutte contre la cyber-criminalité. ...change d’infos ou mélange des genres ?
©atomic tangerine |
C’est une jolie alliance public/privé qui se prépare au nom de la lutte contre la cyber-criminalité. Les 178 pays membres d’Interpol (Organisation internationale de police criminelle) ont décidé de partager, d’ici peu, certaines de leurs informations avec des sociétés privées. À l’origine de ce projet, un discours prononcé par Raymond Kendall, secrétaire général d’Interpol, lors du sommet Internet Defense, co-organisé en mai dernier par AtomicTangerine (la "Mandarine atomique"), une start-up californienne. Kendall y avait déclaré qu’en matière de lutte contre la cyber-criminalité, gouvernements et forces de l’ordre ne disposaient pas des ressources (financières, humaines et technologiques) nécessaires. D’où l’appel du pied au secteur privé.
Auto-défense et assistance
Le débat vient d’avancer avec une déclaration commune de Raymond Kendall et de Jonathan Fornaci, CEO d’AtomicTangerine. "L’assistance d’Interpol peut améliorer l’autodéfense du secteur privé. Et les informations issues des sociétés privées peuvent être une aide substantielle pour les agences gouvernementales", expliquent-ils. Pour Simon Graveling d’AtomicTangerine, l’enjeu est simple : "ils ont accès à des informations sensibles, nous aussi, nous avons tout intérêt à les partager". Interpol dispose en effet d’informations relatives à la cyber-criminalité, l’espionnage industriel et autres domaines d’intervention propres aux forces de l’ordre, mais accuse bien souvent un temps de retard dès qu’il s’agit d’expertise technique. De leur côté, les sociétés privées, quand elles sont bien agencées, sont beaucoup plus réactives en matière de veille technologique, mais elles ne savent que très rarement qui va attaquer quoi, et quand. Selon Simon Graveling, cette coopération "proactive" permettra à tous de pouvoir anticiper les risques, la cyber-criminalité étant un frein au développement de l’Internet et notamment du commerce électronique.
La protection de la vie privée au cœur des débats
Si les modalités exactes de la collaboration restent à définir, on sait que les informations les plus sensibles ne seront diffusées qu’à un cercle très restreint de sociétés dûment agréées. Des débats passionnés agitent la communauté high-tech américaine : malgré un appel vibrant de la ministre américaine de la Justice, Janet Reno, le FBI refuse bien souvent de livrer des données aux sociétés privées. De leur côté, celles-ci refusent de révéler nombre des attaques dont elles ont été victimes, de peur d’entacher la confiance de leurs clients et des investisseurs. "Nous voulons rassurer le public : la protection de la vie privée est très importante pour nous et nous ne la sacrifierons pas sur l’autel de la lutte anti-cyber-criminalité", tient à rassurer Simon Graveling. Il serait même question d’intégrer à ce réseau un représentant d’un organisme de défense des libertés civiles
Pas de démarche commerciale
Reste à savoir quelle est la légitimité d’AtomicTangerine pour s’imposer comme leader moral du privé dans cette affaire. Si le site de la boîte est un mélange de design dernier cri et de phraséologie typique des start-ups, la "mandarine atomique" n’est pas, de l’aveu même de Simon Graveling, particulièrement spécialisée en sécurité informatique, même si elle a récemment investi dans securityPortal.com, l’un des sites de référence en la matière. Grâce à ses activités de conseil, son réseau comprend nombre de banques, compagnies de courtage, d’assurance et d’aviation ou encore les ministères américains de la justice et de la défense. Mais pas question, selon AtomicTangerine, de transformer la coopération avec Interpol en démarche commerciale : tout cela restera dans l’esprit d’entraide communautaire propre à Internet... Une jolie formule gratuite ? Réponse au sommet Internet Defense, à Londres en octobre prochain.