Pour Pierre Lévy, professeur à l’université de Montréal, l’Internet fabrique de l’intelligence collective. Il parle d’une "nouvelle forme de démocratie".
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Quand et comment avez-vous découvert Internet ?
Au milieu des années 80, parce que j’étais à l’affût de tout ce qui allait dans le sens d’une importance croissante des ordinateurs dans la civilisation contemporaine. J’ai commencé, comme beaucoup de gens, à utiliser l’e-mail et les forums, bien avant l’existence du Web. Mon livre paru en 1990, Les technologies de l’intelligence, prévoyait que l’avenir était aux hypertextes dans les réseaux d’ordinateurs (avant que qui que ce soit entende parler du Web).
Pourquoi vous êtes-vous impliqué dans Internet ? Quel a été le déclic ?
Parce que je voyais Internet comme un instrument d’intelligence collective.
Quand avez-vous compris que cela allait vraiment décoller en France ?
Je n’ai jamais fait de différence entre la France et le reste du monde.
Comment avez-vous vécu la période automne 1999-printemps 2000 ? Que faisiez-vous ?
J’étais au Canada et je constatais l’explosion mondiale de ce nouveau médium de communication.
Comment analysez-vous aujourd’hui cette frénésie de huit mois ?
Une poussée de croissance.
Que faites-vous aujourd’hui ?
J’essaye de comprendre, comme d’habitude.
Croyez-vous toujours autant à Internet ?
Plus que jamais.
Croyez-vous au commerce en ligne ? Croyez-vous à l’avenir du Web non marchand ?
Je ne vois aucune opposition entre les deux. Dans une ville, il y a des commerces et des musées, des universités et des bureaux, des espaces publics et des espaces privés. Le cyberespace est une ville virtuelle planétaire.
Comment voyez-vous les années à venir ?
Une croissance plus modérée, en attendant de grandes percées technologiques : Web à adressage sémantique, montée des dispositifs sans-fil, Internet à haut débit, etc.
Croyez-vous toujours dans ce qu’on a appelé la netéconomie ?
Oui, mais aussi dans la net-politique, la net-éducation, la net-science, le net-art, la net-sociabilité, etc. Pourquoi cet amour-haine pour l’économie, le "marchand" ? C’est une dimension naturelle de la vie sociale, mais seulement une dimension, il y en a d’autres.
Quelles vont être, selon vous, les futures grandes échéances et que vont-elles apporter ?
La déterritorialisation amenée par le cyberespace va mettre à l’ordre du jour la nécessité d’une gouvernance mondiale et va nous obliger à pratiquer le dialogue interculturel avec une intensité inconnue jusque là.
World Philosophie, le marché. Le cyberespace, la conscience, Odile Jacob, 2000.
Cyberdémocratie, en janvier 2002, même éditeur