Intel-VIA : je te tiens, tu me tiens...
Intel a attaqué le producteur de puces VIA pour violation de ses brevets sur le Pentium 4. VIA vient de riposter. Cette bataille juridique cache une guerre de la mémoire vive.
Intel défend jalousement ses brevets. Le leader mondial des processeurs a attaqué en justice le fabricant de puces taïwanais VIA, pour violation de ses droits de propriété intellectuelle sur le Pentium 4. Vendredi 7 septembre, la cour de district de l’...tat du Delaware a donc reçu une plainte affirmant que les puces P4X266 et P4M266, lancées début septembre par VIA, enfreignent cinq brevets détenus par Intel. En un juste retour des choses, VIA a contre-attaqué lundi 10 septembre au matin en déclarant qu’il avait lui-même déposé trois plaintes contre Intel pour violation de ses brevets sur les puces, dénigrement et pratiques anti-concurentielles auprès de tribunaux américains, taïwanais et chinois. 1-1, balle au centre.
Imbroglio juridique
"Nous refusons de céder aux tentatives d’intimidation menées par Intel dans l’industrie du PC pour des motivations de marketing", a répondu Richard Brown, directeur marketing de VIA. VIA réfute les arguments d’Intel, qui affirme que la société taïwanaise n’a pas la licence pour construire de puces compatibles avec le Pentium 4. VIA a en effet créé S3 Graphics, une joint-venture montée avec le fabricant d’interfaces graphiques Sonic Blue, pour développer des puces. Basé aux Iles Caïman, c’est S3 Graphics qui possède une licence d’Intel pour les puces compatibles avec le Pentium 4. L’imbroglio juridique consisterait donc à déterminer si les différentes participations garantissent la transmission de la licence d’Intel à VIA. Les deux sociétés sont coutumières de ce genre d’affrontement puisqu’elles ont réglé une série de poursuites à l’amiable en juin 2000, pour des licences concernant le Pentium 3.
Le vent tourne
Dans ce chassé-croisé juridique, typique des luttes fratricides entre concurrents qui rivalisent en nombre de brevets et d’avocats, on distingue en fait une bataille autour des formats de mémoire vive. Son nouveau processeur Pentium 4, Intel avait choisi de le rendre compatible uniquement avec la mémoire Rambus, propriété de la société américaine du même nom. Ce format a reçu un accueil du marché plutôt mitigé car, si la mémoire Rambus est performante, elle est aussi très chère et ne justifierait pas le surcoût par rapport à la mémoire SD-Ram classique. Les dernières puces de VIA sont des interfaces qui permettent aux Pentium 4 de communiquer avec une mémoire vive d’un nouveau type : la DDR-Ram (double data rate). Et ce format nouvelle génération, plus rapide que la SD-Ram mais moins cher que celle de Rambus, a été choisi par le principal rival d’Intel, le constructeur Advanced Micro Devices (AMD). Pendant qu’il attaque VIA, Intel sent aussi le vent tourner et ne campe déjà plus sur sa stratégie "tout Rambus". "Nous annonçons aujourd’hui notre propre puce compatible avec la SD-Ram classique. Et nous aurons des produits compatibles avec la DDR-Ram au premier trimestre 2002", explique le porte-parole d’Intel Chuck Mulloy. C’est justement la puce lancée aujourd’hui par Intel, la 845, qui est la cible de l’attaque juridique de VIA. Pour refaire son retard dans le domaine de la DDR-Ram, Intel affirme de son côté avoir accordé des licences à des concurrents de VIA : les Taïwanais Acer et SIS, ainsi que la Canadienne ATI. "La mémoire Rambus reste d’actualité, c’est notre choix pour les ordinateurs haut de gamme", justifie Chuck Mulloy. Après avoir satisfait les analystes en annonçant la semaine dernière des résultats trimestriels conformes aux prévisions, Intel devrait finalement bien se sortir de son mauvais choix technologique. Son service juridique compte 85 avocats dans le monde.