France Télécom freine le dégroupage, qui permettrait l’émergence d’une vraie concurrence sur l’ADSL. Interview de Jean-Michel Soulier, directeur du pôle Accès de Tiscali France.
La filiale française du groupe Tiscali, spécialiste des services Internet, a annoncé à la mi avril la disparition des marques Libertysurf, World Online, Freesbee, Infonie, Nomade, Respublica, Chez.com, etc. Le lancement cette stratégie de marque unique Tiscali s’accompagne d’une offensive commerciale. A cette occasion, Jean-Michel Soulier, responsable du pôle Accès de Tiscali France et, par ailleurs, président de l’association des fournisseurs d’accès (AFA), répond aux questions de Transfert. sur le dégroupage : l’ouverture à la concurrence de l’accès aux fils de cuivre des lignes téléphoniques, par lesquels passe le trafic Internet ADSL.
Que propose Tiscali France en matière d’accès à l’Internet à haut débit par l’ADSL ?
Nous proposons à nos abonnés une connexion ADSL pour 45,5 euros par mois, un prix aligné sur ce que propose Wanadoo. Pendant la période de lancement de notre marque unique, nous offrons le remboursement du modem ADSL. Depuis le lancement de l’opération, le 15 avril, nous sommes passés de 6 000 à 15 000 abonnés ADSL.
Le comportement de France Télécom sur le dégroupage vous satisfait-il ?
Aujourd’hui, nous sommes de simples revendeurs de France Télécom, ce qui bien évidemment ne nous satisfait pas, puisque nous ne maîtrisons ni nos marges, ni la qualité du service. En effet, c’est France Télécom qui transporte tout le trafic Internet depuis le lieu de connexion de l’abonné jusqu’à un point unique chez nous. Nous payons, bien entendu, l’opérateur historique pour cette prestation. Cette solution est baptisée " option 5 " dans le jargon du dégroupage.
Quelles sont les autres possibilités pour proposer des offres ADSL concurrentes de celles de France Télécom ?
Théoriquement, il y en a deux. D’abord, " l’option 3 " : France Télécom transporte les données relatives au trafic Internet de nos abonnés jusqu’à des points d’accès régionaux, et nous prenons le relais à partir de là. Ensuite, " l’option 1 ", celle du dégroupage complet, qui consiste simplement à aller un pas plus loin que l’option 3, en allant récupérer le trafic non pas à la sortie de plaques régionales mais directement sur la ligne téléphonique de chaque abonné.
Pourquoi n’utilisez-vous pas ces solutions de dégroupage partiel ou total ?
L’option 1, celle du dégroupage, demande de lourds investissements. Or nous n’évoluons plus dans une période d’euphorie où l’on peut lever des millions facilement. En outre, cette configuration ne relève pas forcément, à notre avis, du métier de fournisseur d’accès à Internet (FAI). Nous préférons pour l’instant laisser les opérateurs de télécommunications concurrents de France Télécom s’en charger, pour qu’ils puissent à leur tour proposer des offres au niveau de l’option 3. L’émergence d’une concurrence sur ce créneau contribuerait à faire baisser les prix. Ce serait très intéressant pour nous, car l’option 3 nous donne une meilleure maîtrise de la qualité de service, et de nos coûts sur la dernière partie du transport, même si cela exige des investissements (matériel de transmission des données, location de liaison par fibre optique...) de notre part.
Mais, pour l’heure, l’option 3 n’est pas abordable. France Télécom protège jalousement ses positions et reste donc pratiquement le seul opérateur à proposer cette option 3. Or France Télécom pratique un " squeeze tarifaire " en facturant plus cher l’option 3 que l’option 5 !
L’Autorité de régulation des télécoms (ART) a annoncé, mardi 16 avril, sa décision d’imposer à France Télécom de baisser ses tarifs pour le dégroupage. Qu’en pensez-vous ?
La décision de l’ART est positive dans la mesure où elle rend plus viable, économiquement, l’option 1 de dégroupage total. Mais elle ne concerne pas l’option 3, sur laquelle nous nous battons le plus. L’année dernière, c’est par un recours devant le Conseil de la concurrence que nous avons obtenu une première baisse des tarifs de l’option 3. Mais ce n’est toujours pas suffisant. Pour que notre offre spéciale sur l’ADSL avec remboursement du modem nous permette de gagner de l’argent, il faut que les prix baissent encore.