Public Netbase (Vienne, Autriche) est, depuis 1994, l’un des principaux pôles d’attraction artistique et culturelle des nouveaux médias, Internet en tête. Malheureusement pour lui, cet "Institute for new culture technologies" est en conflit contre Jorg Haider depuis 1998, et, en plus, il persiste et signe. Public Netbase est aujourd’hui soumis à un intense travail de sape, pour ne pas dire de censure de la part des instances qui gèrent les aides publiques. La pétition de soutien, relayée sur les mailing-lists et grâce à un site web créé pour l’occasion (Free.netbase.org), a déjà recueilli plusieurs centaines de signatures d’artistes et intellectuels du monde entier. Interview de Marie Ringler, co-responsable de Public Netbase.
Comment a commencé votre conflit avec le gouvernement Haider ?
Haider nous a attaqués directement dès 1998. Nous avions organisé une série d’interventions intitulée "Sex.Net : sexe, mensonges et Internet" avec des universitaires qui débattaient du futur du féminisme. De manière simpliste, assez typique, Haider a isolé le titre de la manifestation et nous a accusés, au Parlement, d’utiliser l’argent public pour entretenir un site pornographique. Il a été relayé par certains médias et nous l’avons attaqué en diffamation. Nous avons eu gain de cause en décembre 1999. Haider a dû rembourser nos frais d’avocat. Depuis l’accession de son parti au pouvoir en février 2000, la situation n’a, bien sûr, fait qu’empirer - d’autant que l’avocat du leader d’extrême droite est depuis devenu ministre de la Justice. Haider a amputé la plupart des fonds publics pour l’art et la science, et la nouvelle administration nous pose un tas de problèmes. On nous a reproché de travailler trop avec des étrangers parce que nous avons participé à une grande manifestation à Bruxelles [World Information, expo et site d’anthologie consacré au nouvel ordre de l’information, NDLR].
Quels problèmes concrets rencontrez-vous ?
Le principal problème est la perte des locaux que nous occupions au sein du MuseumsQuartier, à Vienne [complexe culturel de 60 000 m2 financé à 75 % par l’...tat et 25 % par la Ville, NDLR]. Nous avions des projets d’expansion en accord avec la direction. Ils ont été refusés : à la place , il y aura une maquette du MuseumsQuartier. Nous ne disposons plus aujourd’hui que d’un grand bureau, nous n’avons plus d’argent et venons tout juste de recevoir une partie seulement de nos salaires, après plusieurs mois d’attente. On nous a aussi notifié que notre bail s’achèvera en avril 2001. Enfin, nous allons faire l’objet d’une "évaluation financière". Ce genre d’audit est légitime, mais les arrière-pensées politiques sont évidentes. C’est absurde : tous nos fonds sont publics, nous avons déjà à justifier nos dépenses et notre budget. Cette procédure, inhabituelle, est donc totalement inutile.
Que fait Public Netbase en ligne ?
Nous essayons de faire passer l’idée "d’héritage futur". Les artistes et les activistes numériques d’aujourd’hui sont notre patrimoine de demain, au même titre que les églises du XVIe siècle. En tant que fournisseur d’accès, nous offrons un grand nombre de services : hébergement de sites, adresse mail, mailing-lists, assistance technique, webdesign, conception de sites. Nous avons 1 200 utilisateurs, 250 sites hébergés et une vingtaine de mailing-lists. La totalité de notre domaine représente un million de clics par mois. Notre deuxième rôle est ce que nous appelons "l’alphabétisation aux nouveaux médias" : fournir les bases pour comprendre les nouvelles technologies. Nous assurons donc des cours, des ateliers et des expositions sur les dangers et le potentiel des nouvelles technologies. Le but est que les gens s’approprient les nouveaux outils par l’expression, l’art ou la politique. Sans nous, la majorité des opposants au gouvernement n’auraient même pas de mail... Notre troisième activité est le développement de contenu. C’est ce que nous avons fait au World Information à Bruxelles, par exemple. Nous nous appuyons alors sur notre réseau de chercheurs, d’artistes et de scientifiques.
Vous avez aussi une dimension politique...
Notre action se place à la croisée de l’art, de la technologie et de la politique. En ce moment, nous mettons surtout notre expérience au service de l’opposition à la coalition gouvernementale arbitrée par Haider. Internet est au centre de tout le mouvement d’opposition et nous sommes "au centre du centre". Ainsi, notre "Gouvernement virtuel de l’Autriche", sorte de gouvernement en exil sur le Réseau, a invité des experts autrichiens à réfléchir aux politiques d’avenir pour les nouvelles technologies. L’idée est de créer une plate-forme de savoir-faire pour préparer l’après-Haider dans une optique positive et constructive. Mais je pense que nous allons continuer à subir une grosse pression.