France Télécom a coupé, depuis le 3 juillet, toutes les connexions de l’agence Web bretonne Cyberouest. Résultat, les 600 sites Internet qu’elle héberge restent inaccessibles. France Télécom assure, néanmoins, que des négociations sont en cours.
Le trou noir. Depuis mardi 3 juillet, les 600 sites Internet hébergés par l’agence web Cyberouest, établie à Vannes, ne sont plus accessibles. Parmi eux, le site du Télégramme de Brest, ceux de Vivalaville et de l’association du Festival des vieilles charrues de Carhaix. "Mardi après-midi, nos messageries ont commencé à ne plus fonctionner, raconte Pierre Cheminant, responsable de l’agence Cyberouest de Rennes, en charge de la communication de l’entreprise. Puis, nous et nos clients nous sommes retrouvés "dans le noir". France Télécom avait coupé toutes les liaisons vers la plate-forme d’hébergement, située à Vannes." La décision de France Télécom sanctionnerait un impayé - d’un montant de 1,5 million de francs - accumulé depuis octobre 2000.
Mutisme de France Télécom
À cette époque, la société Cyberouest estime que le service de France Télécom-Transpac n’est pas à la hauteur de ce qui avait été promis. "En particulier, nous ne pouvions plus contrôler le niveau de bande passante utilisée par nos sites, se souvient Christian Dumard, PDG de Cyberouest. Du fait de ce litige, nous avons envoyé plusieurs lettres recommandées à l’opérateur. Mais elles sont restées sans réponse." Face à ce mutisme, bien décidé à obtenir le règlement du litige, Cyberouest décide de ne pas régler ses factures. Et ce, jusqu’au 26 juin dernier, date à laquelle une entrevue avec une équipe de l’opérateur historique est décrochée. Et là, surprise. "Ils ont en partie reconnu leurs torts et nous ont accordé un avoir de 352 000 francs, à valoir sur notre facture de 1,5 million de francs", assure Christian Dumard. Un échéancier a également été établi pour le paiement des arriérés. Malheureusement, ces factures, payables à partir du 30 juin, ne sont parvenues à l’entreprise qu’en début de semaine, mardi 3 juillet, insiste le PDG de Cyberouest. Or, le même jour, France Télécom a coupé les connexions...
Négociations en cours
L’affaire se complique du fait de la situation financière de la société Cyberouest. Les actionnaires - le groupe Télégramme de Brest (38 %), l’investisseur Isys (49 %) et les fondateurs - ont en effet refusé de participer à un nouveau tour de table de l’agence web, plaçant de facto la société en cessation de paiement, fin juin. France Télécom a-t-elle, de ce fait, pris peur et décidé de couper les connexions d’un client insolvable ? Difficile à dire : joints par Transfert, les services rennais de Transpac n’ont pas réagi. La direction nationale de France Télécom reconnaît ne pas maîtriser tous les éléments du dossier et préfère ne pas se prononcer sur ce point. Mais assure que "des négociations sont en cours entre l’avocat de Transpac et l’administrateur judiciaire de Cyberouest. La porte reste donc ouverte à un arrangement".
De son côté, le tribunal de commerce de Vannes semble avoir pris note des difficultés financières de l’entreprise, tout en nommant, mercredi 4 juillet, un administrateur judiciaire pour une période de six mois. "Cela signifie que, même si l’entreprise connaît des difficultés, nous pouvons continuer l’activité. Nous avons d’ailleurs de nombreux clients et plusieurs projets en cours", estime Pierre Cheminant. Et pour ce qui est du litige avec France Télécom, l’administrateur s’est engagé à payer la facture due, assure le PDG Christian Dumard.
143 emplois directement menacés
Mais Cyberouest ne compte pas en rester là. Les 600 sites clients de l’entreprise ne supporteront pas longtemps d’être coupés de leur propre clientèle, même si plusieurs d’entre eux ont apporté leur témoignage de soutien aux équipes de l’agence web. Pour ne pas risquer de tout perdre, Cyberouest dit avoir engagé une procédure contre France Télécom. "Notre huissier leur a adressé une "sommation avec effet immédiat" pour rétablir la connexion", explique Christian Dumard. Mais celle-ci restait toujours sans effet vendredi après-midi, trois jours après la coupure...
Or, il y a urgence. Les 143 salariés de Cyberouest, installés dans le grand Ouest, de Vannes à Bordeaux, craignent de voir l’entreprise sombrer si les connexions ne sont pas rétablies. Le comité d’entreprise (CE) accuse France Télécom de les prendre "en otages". "France Télécom-Transpac nous met sciemment la tête sous l’eau. (...) Le tribunal de commerce de Vannes à la vue de la situation nous donne une chance, France Télécom-Transpac nous l’enlève alors qu’hier encore des contrats ont été signés", dénonce un communiqué du CE. "Certains de nos clients nous disent même avoir déjà été "prospectés" par nos concurrents, dont France Télécom", raconte un salarié de l’agence rennaise de Cyberouest. "Méfiez-vous du chantage à l’emploi jusqu’au-boutiste, rétorque la direction de France Télécom. Tout cela semble un peu gros. C’est un peu facile de faire de France Télécom le grand méchant loup."
De son côté, la direction de Cyberouest a décidé de poursuivre l’opérateur historique devant la cour de justice européenne de Strasbourg. "Mais ça prendra des années et ne changera malheureusement rien à la situation de l’entreprise aujourd’hui", se désespère Christian Dumard.