Pour la première fois, une cour d’appel américaine prend la défense du respect de l’anonymat dans les forums de discussion.
La cour d’appel du New Jersey a rejeté, mercredi 11 juillet, la demande de Dentrite International. Cette société américaine de service pour l’industrie pharmaceutique réclamait l’identification de quatre auteurs de messages anonymes sur un forum. Si ce n’est pas la première fois qu’une cour américaine prend la défense du respect de l’anonymat dans les forums (en avril, la cour de l’...tat de Washington avait émis une décision analogue), c’est la première fois qu’une décision de cour d’appel intervient sur cette problématique.
La firme attaque et les auteurs anonymes contre-attaquent
L’affaire n’était pourtant pas simple. En effet, la firme assurait que trois des auteurs avaient posté des informations confidentielles à son sujet sur l’un des forums de discussions de Yahoo ! et que deux d’entre eux - qui se sont eux-mêmes présentés comme des employés de l’entreprise - avaient violé le règlement qui les lie à l’entreprise. Après que Dentrite International a demandé à la cour de forcer Yahoo ! à dévoiler les identités des auteurs, le juge a, lui, préféré ordonner à la société de poster un message sur le même forum pour avertir les auteurs que leur anonymat était en jeu. Bingo ! Deux des scribes se sont manifesté et ont organisé la riposte en prenant un avocat pour défendre leur droit à rester anonyme. Manque de chance pour la firme, l’ACLU (American Civil Liberties Union Fondation) et Public Citizen, deux associations de défense des libertés civiles, ont rejoint le combat pour défendre l’incognito des auteurs au nom du premier amendement de la Constitution. Après un premier jugement défavorable, Dentrite s’est pourvue en appel pour tenter d’obtenir l’identité du dernier scribe.
La leçon des juges
Mais voilà, le deuxième coup de semonce est tombé. Visiblement sensibles aux arguments des associations, les juges de la cour d’appel du New Jersey ont non seulement rejeté en bloc les revendications de la firme, mais ils ont aussi jeté les bases d’un code de conduite à destination des tribunaux confrontés à des poursuites de la même teneur. Il est en effet devenu monnaie courante pour les entreprises américaines de se pourvoir en justice dès que des messages, jugés gênants, critiques voire diffamants, sont postés sur des forums de discussions. Dans une récente affaire, le portail Yahoo ! déclarait recevoir des milliers de poursuites de ce genre. Dans le même registre, la firme AOL assurait encore, il y a peu, avoir reçu 475 assignations rien que pour l’année 2000. Parfois justifiés mais souvent abusifs, ces recours en justice menés par de grandes entreprises inondent les tribunaux et donnent lieu à des décisions souvent contradictoires. Les juges de la cour d’appel du New Jersey ont donc décidé de débrouiller un peu les esprits. Dans leur ordonnance), ils exposent les limites procédurières des entreprises.
Identification des auteurs : mode d’emploi
Le droit de s’exprimer anonymement peut être perdu seulement si le plaignant peut prouver que l’auteur des messages lui cause des dommages dont la réparation en justice ne peut être obtenu sans connaître au préalable son identité. Avant d’en venir à la plainte, les juges conseillent donc aux entreprises : 1/ de tenter, dans un premier temps, de notifier à un auteur anonyme, qu’elles recherchent son identité, pour lui laisser le temps de s’y opposer. 2/ d’examiner attentivement les bases juridiques de leur requête. La cour devra ensuite se prononcer sur la validité ou non de la plainte. Enfin, lors du jugement, les magistrats devront rendre leur verdict en tenant compte de deux arguments opposés. Le premier amendement qui défend la liberté de parole anonyme contre la justification de la poursuite du plaignant et la nécessité ou non de devoir identifier les auteurs.