L’auteur de la rumeur qui a fait chuter le cours de l’action Emulex de 60 % a été arrêté. Sa peine risque d’être exemplaire mais son aventure vaut toutes les leçons d’économie.
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Mark Jakob est sous les verrous et risque 15 ans de prison pour manipulation du cours d’une action. Mais sa mésaventure restera dans les annales de Wall Street. Car, à 23 ans, cet étudiant sans histoires a réussi à faire trembler le Temple de la finance, le 25 août dernier. En publiant ce jour-là un faux communiqué via le site de diffusion Internet Wire (lire
La rumeur qui valait 2,5 milliards), Mark Jakob fait chuter de 60 % le cours de l’action Emulex au Nasdaq. Après 30 minutes de panique intégrale, la valorisation de ce fabricant californien de matériels pour réseaux à haut débit perd 2,5 milliards de dollars (18 milliards de francs) !
Des empreintes informatiques
Suite à l’incident, les enquêteurs de la SEC (Securities and Exchange Commission, le gendarme de la Bourse) et du FBI se lancent sur les traces du ou des auteurs du faux communiqué. Les empreintes informatiques laissées par ce communiqué "anonyme" les mènent à la bibliothèque d’une grande école de Redondo Beach (Californie). Mark Jakob, réputé boursicoteur, a précisément été aperçu dans la bibliothèque la nuit précédant la diffusion de la fausse nouvelle. Les limiers tiennent une piste... Un coup d’œil aux carnets d’ordres de Bourse d’Emulex confirme leurs soupçons : le suspect a bien passé une série d’ordres suspects sur l’action Emulex le 25 août.
236 000 dollars de plus-value
Flairant le bon coup, l’étudiant spéculait en fait depuis quelques temps sur Emulex, mais en pure perte. Car en "jouant" l’action à la baisse alors que le cours de celle-ci grimpait, Jakob risquait de perdre 100 000 dollars (737 000 francs). Ce jeudi-là, cet ancien stagiaire d’Internet Wire imagine donc, pour se "refaire", le stratagème du faux communiqué : en annonçant la démission du patron d’Emulex et de très mauvais résultats, il fait plonger l’action. Mark Jakob récupère alors sa mise initiale et la réinvestit aussitôt, mais en "jouant" Emulex à la hausse cette fois. Dans le même temps, le patron d’Emulex dément les informations du communiqué, ce qui rassure les investisseurs. Le cours retrouve son niveau normal et Mark Jakob empoche une plus-value de 236 000 dollars (1,7 million de francs)...
À chacun sa leçon
La sévérité légendaire de la SEC lui laisse peu de chance de profiter de son butin. Outre les 15 ans de prison, Mark Jakob encourt une amende de 500 000 dollars (3,7 millions de francs). Une "bonne leçon" un peu coûteuse. Les autorités californiennes n’ont pas hésité à donner un tour très médiatique à l’affaire. Le procureur Alejandro Mayorkas veut faire de Mark Jakob un "cas exemplaire". "Quiconque essaierait de commettre un délit via le Web doit bien se mettre dans la tête qu’il ne pourra compter sur l’anonymat pour parvenir à ses fins, menace-t-il. Nos techniques d’investigation avancent aussi vite que la technologie." À défaut d’être rémunératrice, la mésaventure de Mark Jakob présente quelques vertus pédagogiques. À l’instar de l’économiste John Maynard Keynes - dont les leçons sur les comportements des boursicoteurs font autorité - Jakob est parvenu à démontrer grandeur nature, et en jouant avec les nerfs des investisseurs, que, sur les marchés, les moutons sont légion. Le brio de la démonstration lui permettra peut-être de solliciter la clémence des juges.