Son mari obtient le droit de la "débrancher", ses parents celui de la rebrancher. Deux fois.
Le tube qui permet à une Américaine, dans le coma depuis 1990, d’être alimentée, a été débranché mercredi 15 octobre. Le mari de cette femme de 39 ans réclame depuis 1998 le droit de l’euthanasier. Mais, sous la pression du gouverneur Jeb Bush, frère du président américain, l’état de Floride vient d’adopter dans l’urgence une loi qui permet que soit rebranché le tube d’alimentation, probablement aujourd’hui. En 2001, 60 heures après que l’Américaine ait été débranchée, un juge avait déjà ordonné qu’elle soit sauvée, à la demande de sa famille.
Victime d’une crise cardiaque en 1990, Terri Schiavo, une Américaine de 39 ans, survit depuis lors dans un état végétatif, grâce à un tube relié à son estomac. Ce système lui permet d’être nourrie et hydratée.
Le mouvement "pour la vie"
Le mari de Terri, Michael Shiavo, réclame depuis 1998 le droit de la laisser mourir. Pour justifier sa démarche, il explique qu’elle lui aurait demandé de ne pas la laisser vivre de manière artificielle.
Les parents de Terri, Bob et Mary Schindler, se battent quant à eux depuis 10 ans contre leur gendre. Ils sont soutenus par le mouvement "pro-life", qui lutte aux Etats-Unis, sur des bases confessionnelles, pour le respect absolu de la vie et contre l’avortement et l’euthanasie. Les parents de Terri accusent son mari de ne pas l’avoir suffisamment et correctement soignée, et refusent de voir leur fille euthanasiée.
Les parents de Terri ont lancé un site consacré à leur fille. Les mouvements conservateurs s’activent aussi en ligne, à coup de pétitions ou de fichiers mp3 d’enregistrement de la respiration de Terri, censés prouver qu’elle n’est pas dans un état totalement végétatif.
"L’affaire Terri Shiavo" repose également sur une querelle d’experts : alors que certains médecins estiment que sa situation médicale pourrait s’améliorer, d’autres avancent que son état végétatif ne saurait connaître de rémission.
Pas de derniers sacrements
En 2001, le tube qui la relie à la vie avait déjà été déconnecté. 60 heures après, un juge avait ordonné de le rebrancher, suite à un recours déposé par sa famille.
Le 17 septembre dernier, un nouvelle décision de justice avait porté au 15 octobre la date à laquelle le tube de Terri devait de nouveau être débranché. Ce qui fut fait, mercredi dernier, au grand dam des parents de Terri et des mouvements "pro-life". Ces derniers, outre le fait de dénoncer l’euthanasie, estiment aussi que "la mort par famine est impensable".
Samedi 18 octobre, le prêtre de Terri, Thaddeus Malanowski, s’est vu interdire par la police de lui administrer les derniers sacrements. Il voulait en effet lui faire ingérer une hostie avec de l’eau, ce qui aurait, selon le médecin, pu lui causer un choc fatal.
Jeb Bush, gouverneur de Floride, où réside Terri, avait rencontré le 15 octobre les parents de Terri. Le frère de l’actuel président des États-Unis soutient leur combat depuis des mois, d’autant que l’affaire fait l’objet d’un intense lobbying de la part des mouvements conservateurs américains, ses alliés en politique.
Ce lundi 20 octobre dans la soirée, le Sénat de Floride a adopté une loi de circonstance, surnommée "Terri bill" : le texte donne 15 jours au gouverneur pour rebrancher le tube d’alimentation d’une personne ne survivant qu’à l’état végétatif, dès lors qu’elle n’a pas expressément déclaré vouloir mourir, et qu’un membre de sa famille s’y oppose. La loi concerne les personnes ayant été euthanasiées à partir du 15 octobre 2003...
Menace de mort
La cour suprême de Floride, ainsi que celle des États-Unis, ont plusieurs fois refusé de statuer sur le sort de Terri, et la bataille politico-judiciaire pourrait encore perdurer.
Harcelé et victime de menaces de mort répétées, le mari Michael Schiavo est également accusé par sa belle-famille de vouloir récupérer ce qui reste du million de dollars perçu en dédommagement amiable de l’erreur médicale qui aurait conduit sa femme dans le coma.
La santé de Terri, qui n’a ni bu ni mangé depuis plus de cinq jours, se serait quant à elle passablement dégradée. Il était prévu qu’elle meure dans les dix jours suivant le débranchement du tube d’alimentation.