Panne de réseau ? Non, arrêt de service : c’est ce qu’ont constaté, vendredi 30 octobre peu après minuit, les 850 000 Américains abonnés au réseau câblé d’AT&T dont l’accès à l’Internet haut débit était assuré par Excite@Home. Cette coupure est le résultat de la décision rendue plus tôt dans la journée de vendredi par le juge Thomas Carlson, de la cour commerciale de San Francisco. Ce dernier a autorisé la société Excite@Home, en dépôt de bilan depuis le 28 septembre dernier, à mettre fin unilatéralement à ses contrats conclus avec les grands réseaux câblés américains (celui d’AT&T Broadband, mais également de Comcast Cable Communications ou de Cox Communications), et à interrompre le service dans la foulée...

La FCC impuissante

Cette décision est contraire aux recommandations faites par Michael K. Powell, le président de la Federal Communications Commission (FCC, l’autorité de régulation des télécoms aux Etats-Unis), dans une lettre adressée au juge Carlson. " Je vous invite à considérer non seulement les intérêts d’un débiteur et de ses créanciers, mais également ceux des millions de clients ", écrivait-il jeudi 29 novembre. Sur les 9,8 millions d’abonnés à l’Internet rapide aux Etats-Unis, 6,4 millions y accèdent par le câble. Et parmi eux, 2,7 millions (soit le quart des internautes haut débit) passent par Excite@Home. L’appel de Michael K. Powell pour " mettre en œuvre une transition ordonnée plutôt qu’une fermeture précipitée d’Excite@Home " n’a finalement pas été entendu. " Un fournisseur d’accès à l’Internet par l’ADSL ne pourrait fermer sans notre autorisation, mais comme il s’agit d’accès par le câble, nous n’avons aucune autorité et ne pouvons exprimer qu’un point de vue ", regrette-t-on à la FCC.

Les internautes pris en otage

Seuls 850 000 abonnés d’AT&T ont, pour l’heure, fait les frais de la décision du tribunal de commerce californien. Les discussions entre Excite@Home et les autres câblo-opérateurs pour renégocier les contrats de fourniture d’accès à l’Internet se poursuivent, le service restant pour l’instant assuré. " Après avoir déterminé qu’il ne nous serait pas possible d’aboutir à un accord avec AT&T, la société a coupé le service à AT&T ", assène le communiqué de presse publié par Excite@Home. Immédiatement, AT&T Broadband a commencé à faire migrer les clients pris en otage vers son propre réseau. Depuis octobre, la société avait entrepris de mettre sur pied un tel réseau pour parer à une telle éventualité. Dimanche 2 décembre, elle annonçait avoir déjà fait basculer 86 000 abonnés, et a publié aujourd’hui dans un nouveau communiqué le chiffre de 330 000 clients transférés. D’ici à une dizaine de jours, tout devrait être rentré dans l’ordre, promet AT&T. Sauf pour les abonnés qui vont être contraints de remplacer @home.com par @attbi.com dans leur adresse de courrier électronique et ne pourront peut-être jamais récupérer tous leurs anciens mails. Les autres réseaux câblés prennent, eux aussi, des précautions pour que leurs abonnés ne soient pas désemparés en cas de coupure de service. Cox et Comcast ont chacun mis en place un numéro vert d’information, et Cox conseille même à ses clients de télécharger un logiciel d’installation d’un FAI (fournisseur d’accès à Internet) gratuit pour pouvoir continuer à surfer sur le Net quand bien même les négociations avec Excite@Home tourneraient au vinaigre.

Rupture de contrat

Excite@Home cherche à renégocier les termes financiers de ses contrats avec les réseaux câblés, qui lui reversent une part du prix acquitté par les abonnés. Sur 340 francs mensuels en moyenne, le spécialiste de l’Internet haut débit toucherait environ 120 francs, selon les estimations d’un proche du dossier cité par le New York Times. Mais Excite@Home accumule les pertes — près de 380 millions de francs de déficit d’exploitation rien qu’au troisième trimestre 2001 —, et estime aujourd’hui les contrats signés avec les réseaux câblés inéquitables. Reste qu’il s’agit d’accords commerciaux et que ceux-ci ne peuvent normalement être résiliés unilatéralement. Même si AT&T n’a pour l’instant pas fait de déclaration dans ce sens, il n’est pas exclu que l’entreprise poursuive Excite@Home devant les tribunaux pour rupture abusive de contrat.