Et Wappup vainquit France Télécom...
Wappup, fournisseur d’accès d’Internet mobile, vient de faire condamner France Télécom, accusée de "verrouiller" les portables de ses coffrets Wap. Interview de François de Guitaut, PDG de la petite société victorieuse.
François de Guitaut
D.R. |
À quoi ressemblera, demain, le marché de l’Internet mobile en France ? La décision du tribunal de commerce de Paris, délivrée mardi 30 mai, vient de donner un premier élément de réponse : les mobiles vendus dans les coffrets Wap de France Télécom ne pourront plus être bridés et limités aux seuls services de l’opérateur national. L’enjeu est primordial car l’un des principaux avantages du Wap réside dans le fait de pouvoir consulter n’importe quelles pages Wap sur son mobile, quel que soit son fournisseur d’accès. Le verrou ("le Wap-Lock"), installé sur les mobiles des coffrets Wap de France Télécom, interdisait de fait à l’internaute nomade de sélectionner lui-même une adresse, sans passer par le bouquet de services de France Télécom... L’ordonnance du président du tribunal suspend provisoirement la commercialisation de ce type d’appareils. Sous peine d’une astreinte de 500 F par téléphone vendu. Le président a jugé que ce verrouillage peut "
troubler le bon exercice de la concurrence dans le domaine de la fourniture d’accès au Réseau au moyen de téléphones mobiles". Pour le moment, l’interdiction du tribunal n’est que provisoire et se prolongera jusqu’au 30 septembre, en attendant que le Conseil de la concurrence se prononce définitivement. À l’origine de la plainte, Wappup, un fournisseur d’accès Wap créé en début d’année mais qui n’a pas encore ouvert son portail d’accès à l’Internet mobile. Chez Wappup, qui se lancera dans la grande course du Web mobile en juin, on assure que c’était une question de survie de la société.
François de Guitaut, PDG de Wappup, explique les raisons de sa démarche. À 30 ans, cet ancien d’HEC, souhaite un marché de l’Internet mobile libre et ouvert... Sans verrou !
Pourquoi avoir décidé de porter plainte contre France Télécom ?
Tout est parti de l’annonce de France Télécom du 21 avril qui disait sa volonté de brider les téléphones portables vendus dans ses packs. Ce qui représente 80 % de ses ventes. Pour nous, le fait de verrouiller des mobiles compatibles Wap pour n’avoir accès qu’aux sites sélectionnés dans un bouquet de services était illégal. Au-delà du fait que cela remettait en cause la viabilité de notre entreprise de fourniture d’accès, c’est aussi un enjeu de fond. Un tel système aurait pu conduire à une limitation drastique du choix des consommateurs en matière d’Internet mobile. Plus globalement, cela mettait aussi en danger un certain nombre de sites. Par exemple, un site d’informations boursières exclu de l’offre de services Wap de France Télécom perdait forcément des clients sur la Toile...
Comment s’est déroulée l’assignation en justice ?
Avant de déposer une plainte contre France Télécom, nous avons tenté de contacter par téléphone les responsables de l’entreprise pour leur demander des précisions concernant ce verrouillage. Cette démarche fut sans résultat. Devant cette impasse, nous avons envoyé à Michel Bon, le PDG de France Télécom, une "sommation interpellative" : une pratique courante dans le monde des entreprises. C’est une lettre envoyée par huissier qui comporte une série de questions. Une semaine plus tard, nous n’avions toujours pas de réponse. Nous avons donc assigné France Télécom devant le tribunal de commerce de Paris. Je me souviens d’une déclaration de Michel Bon lors d’une rencontre récente avec les étudiants de l’EDHEC : "Une semaine sur Internet équivaut à un an dans l’économie normale". Nous nous sommes approprié cette formule...
France Télécom n’était pas seule dans la salle d’audience du tribunal...
Nous voulions que les différents acteurs de la chaîne économique de l’Internet mobile en France soient dans la salle d’audience. C’est pourquoi nous avons assigné des distributeurs (Phone House et la Fnac), mais aussi des fabricants (Motorola, Alcatel, Mitsubishi, Sagem). Nous leur avons expliqué la situation et les raisons de notre action : notre but était seulement de mettre en lumière des pratiques contraires à la loi et de faire reconnaître devant la justice que les mobiles étaient effectivement bridés. C’était une obligation pour gagner. D’ailleurs l’AFIM (Association française de l’Internet mobile), qui n’avait assigné que France Télécom, a été déboutée au même moment...