Imaginez une vie sans choix à faire. Une vie où les autres décideraient pour vous. Votre boulot, votre tabagisme, votre femme. Pendant trois mois, sept participants au nouveau Big Brother anglais vont vivre cette situation. Ils sont The Public Property. La propriété du public.
Marcia devra manger des fruits et oublier les barres chocolatées. Mark se rendra régulièrement à son cours de danse et Rebecca sortira le chien tous les jours. Depuis deux semaines, ils obéissent aux desiderata des téléspectateurs et internautes d’un nouveau Big Brother : The Public Property, une émission de la télévision anglaise. "Nous sommes la propriété du public. Nous abdiquons nos droits de prendre les décisions nous concernant. Nous jurons solennellement d’obéir aux votes des téléspectateurs d’ITV", peut-on lire sur le contrat signé par les sept candidats et mis en ligne sur le site web de l’émission.
Le jeu a débuté le 1er février sur la chaîne ITV qui diffuse le désormais célèbre Who Wants To Be a Millionaire. Le concept de The Public Property a été inventé par deux Britanniques, en cheville depuis dix ans, Simon Goodman et Jerry Glover. Un truc presque trop simple. Sans mise en situation exceptionnelle. Pas d’île déserte, ni d’épreuves insurmontables. Juste la vie normale de gens normaux, qui abdiquent tout contrôle sur leur vie.
Résumé excitant de la banalité
Ces gens normaux n’ont pas été choisis au hasard. En décembre, la chaîne a lancé un appel à candidatures. Des milliers de réponses reçues. Les candidats devaient déballer leur vie, détailler leurs réussites, leurs espoirs. Et leurs déceptions aussi. Livrer enfin leur plus grand rêve. Quatorze personnes ont été sélectionnées. Sept titulaires, sept suppléants en cas d’abandon. Pendant trois mois, ces trois célibataires et ces deux couples sont suivis dans leur moindre geste. Et tous les soirs, l’émission sur ITV propose un résumé, le plus excitant possible de leur banalité. À la fin de l’émission, une question est posée aux téléspectateurs. Bien sûr, le candidat n’a pas obligation de suivre leur verdict, sorte de décision sur son comportement à venir. Mais plusieurs refus pourraient entraîner l’éviction du participant. C’est écrit dans les règles du jeu.
Bulle de préfabriqué
Le Truman Show racontait déjà une version de cette histoire. Joué par Jim Carrey, Truman naît, aime, travaille et se marie dans une bulle de préfabriqué où le moindre de ses gestes est filmé. Seuls ses mouvements sont naturels. Sa femme, ses amis et même les passants sont des acteurs qui lui jouent la comédie de la vie. Toute cette vie est diffusée 24 heures sur 24 sur une chaîne américaine. Un vrai succès. Les concepteurs de The Public Property, Simon Goodman et Jerry Glover n’ont pas les moyens de cacher les caméras et de créer un décor en carton pâte. Mais ils ont inventé un nouvel ingrédient : ce sont les téléspectateurs qui choisissent pour les autres. Un détail qui fait toute la différence.
En France, les chaînes affirment ne pas connaître le concept. Excepté France 2. Chargée d’étude sur les nouveautés télévisuelles pour la chaîne publique, Michèle Periot-Sanety relativise quand même l’esprit novateur de l’émission : "J’ai plutôt l’impression que cela reste dans la lignée des reality shows. La question que je me pose, c’est pourquoi ces candidats font ce choix d’abdiquer le contrôle sur leur vie ?"