Un site, lancé par un député, invite les élus Suisses à dévoiler les liens d’intérêts qu’ils entretiennent avec des structures privées, publiques ou associatives. Histoire de redorer le blason d’une classe politique engluée dans les affaires.
"Membre du conseil d’administration d’Hermès", "Membre du conseil d’administration du groupe Swatch", "Vice-président des éleveurs suisses". Voilà le type de renseignements que publie le site loobymarkt.ch sur les activités extraparlementaires (parfois très lucratives) des élus suisses. Rien de très secret, toutefois. Le site n’est d’ailleurs pas l’œuvre d’un quelconque groupe d’activistes libertaires, mais d’un très classique parlementaire. Depuis le début de l’été, "l’Action pour une libre formation de l’opinion", initiative lancée par Peter Weigelt un parlementaire du FDP (centriste), invite les élus suisses à déclarer, en ligne, "les liens d’intérêts" les unissant au secteur privé, public ou associatif.
Sociétés off shore
L’initiative, teintée d’opportunisme politique, tombe à pic... Car depuis quelques mois, il ne fait pas bon être un homme politique suisse. Un parfum de scandale flotte en effet dans les couloirs des plus hautes instances fédérales. Au début de l’année, Peter Hess, président démocrate chrétien du conseil national (l’une des deux chambres du Parlement fédéral), et l’un des personnages les plus importantes de l’état fédéral a été soupçonné d’avoir violé la loi sur le blanchiment d’argent en vigueur en Suisse depuis 1997. Au cœur de "l’affaire Hess", se trouve justement la question de mandats de gestion dont cet avocat d’affaires disposait aux conseils d’administration de cinq sociétés off shore basées au Panama, dans les îles Vierges et au Liechtenstein. Une partie de la presse suisse s’était alors déchaînée, réclamant la démission de Peter Hess. Qui s’était contenté d’annoncer l’abandon de ses 48 mandats !
Chasse aux sorcières
Il y a quelques jours, le président du Conseil national (l’une des chambres du Parlement fédéral) était finalement lavé de tous soupçons par l’Autorité fédérale de contrôle. Mais la saga Hess a laissé des traces. "Aujourd’hui, dans ce contexte, c’est un peu la chasse aux sorcières. Surtout en Suisse alémanique où se trouve la majorité du pouvoir économique du pays. Les hommes politiques disposant de mandats de gestion dans des sociétés sont immédiatement soupçonnés de corruption ou de blanchiment d’argent", analyse Yves Guisan, conseiller national FDP (radical). Quant à l’efficacité de l’outil d’information mis en place sur le Web par son collègue, l’élu du canton de Vaud reste circonspect. "...videmment, je suis pour plus de transparence. Mais je ne pense pas que ce type d’initiative change réellement les rapports de force et les intérêts existants entre les entreprises et les élus suisses. Connaître l’ensemble des mandats privés des élus ne suffit pas, dans la mesure où on ne sait pas comment ils peuvent interférer dans leur action politique."
Pas changer grand-chose
Certains vont plus loin. Patrice Mugny, élu des Verts suisses au Conseil National, – "plus à gauche que Lipietz" précise-t-il – qualifie pour sa part de "gadget" le site mis en place par Peter Weigelt. "J’ai fourni au site, afin de respecter mes engagements de transparence, la liste de mes fonctions non politiques. De toute façon, mes activités se limitent à l’associatif...", se marre Patrice Mugny. Ce militant d’ATTAC Genève et de Reporters sans frontières (entre autres) plaide surtout pour un changement du cadre législatif. "Si les lois françaises sur le financement des partis politiques étaient appliquées en Suisse, la moitié de nos parlementaires seraient en prison. Le Parlement suisse a le plus grand mal à échapper aux intérêts économiques des grands groupes. La droite est totalement prisonnière des lobbies bancaires ou chimiques de Suisse alémanique. Nous vivons sans un cadre de corruption". De ce point de vue, le site lobbymarkt risque bien de ne pas changer grand-chose. À l’automne prochain, les parlementaires helvétiques débattront d’une loi prévoyant la déclaration obligatoire, sous peine de sanctions, de l’ensemble des mandats exercés en dehors de l’Assemblée fédérale. Pourquoi pas sous la forme d’un site Internet public ?
Une compilation d’articles consacrés à l’affaire Hess:
http://www.prevention.ch/hess
Le site de Peter Weigelt:
http://www.weigelt.ch
Lobbymarkt:
http://www.lobbymarkt.ch/