La gratuité des transports en commun, réclamée par les représentants syndicaux et politiques de l’extrême gauche, n’existe en France que dans trois municipalités de droite : Chateauroux, Compiègne et Vitré. S’inspirant de collectifs européens qui revendiquent également la mise en place de transports non-payants, des associations militent pourtant de façon active dans plusieurs grandes villes de France.
Avec 72 000 habitants, Chateauroux est la plus grande agglomération de France à avoir fait le choix de la gratuité intégrale de ses transports en commun. Le succès de l’opération, lancée en 2002, est indéniable : la fréquentation des bus est en hausse de 76 % par rapport à la fin de l’année dernière.
Seulement 3 villes françaises ont franchi le pas
Il faut dire que jusqu’ici, l’utilisation des transports en commun ne faisait guère partie des moeurs des Castelroussins : 22 trajets par an et par habitant, contre une moyenne nationale de 45 trajets. Avant le passage à la gratuité, la billetterie ne représentait que 14 % des recettes de la régie de transports, soit 400 000 euros, le reste provenant des impôts. Le coût de fabrication et de contrôle des billets équivalait à 300 000 euros : le prix de la gratuité était donc de 100 000 euros. Un manque à gagner financé par une augmentation du "versement transport", un prélèvement obligatoire que les entreprises doivent verser à l’Ursaaf. Objectif de la municipalité divers droite de Chateauroux : revitaliser le centre ville, qui perd des habitants.
Ce sont également des mairies de droite qui ont mis en place la gratuité à Compiègne (depuis 1975) et à Vitré (en Bretagne), la ville de Pierre Méhaignerie.
Ces villes sont citées en exemple par les associations réclamant la gratuité des transports en commun. Ces collectifs se montrent très actifs dans plusieurs grandes villes de France : Rennes, Nantes (avec le TGV, "Transports gratuits vite"), Marseille, Paris (avec le Ratp, Réseau pour l’abolition des transports payants ).
Les contrôleurs sous contrôle
Leur modèle : le "Collectif sans ticket", (CST), fondé en 1998 à Bruxelles. Le CST a imaginé de nouveaux types d’actions militantes, telles que les "opérations free zone" : lors de ces actions, des patrouilles avertissent les usagers de la présence de contrôleurs. Le CST distribue également de fausses cartes de transport. Personnalisés, ces titres sont présentés en cas de contrôle ; ils symbolisent la volonté de leurs porteurs de se définir non comme des clients des transports, mais comme des citoyens-usagers.
Les activistes belges manifestent aussi une préoccupation écolo très marquée : pour donner plus de poids à leur discours anti-voiture, ils ont fait circuler un bus roulant au carburant de colza dans tout le plat pays. Ils ne manquent pas une occasion d’expliquer que dans la ville belge flamande de Hasselt (70 000 habitants), où la gratuité intégrale des transports en commun existe depuis 1997, les déplacements de leurs usagers ont été multipliés par onze et la circulation automobile a diminué de moitié. Une politique qui a valu une forte popularité à Steve Stevaert, le maire d’Hasselt, actuel ministre des transports de Flandres et leader du parti social-démocrate flamand.
Pas de gratuité sans plan de mobilité
Yves Duhamel est chargé d’analyser les politiques publiques de gratuité dans les transports en commun. Il travaille pour le Predit, le Programme interministériel français de recherche et d’innovation dans les transports terrestres. Pour lui, une ville ne peut passer au "tout gratuit" sans avoir au préalable mis en place un plan des transports adapté à l’afflux supplémentaire de voyageurs. "Dans le cas de Hasselt, on ne peut pas dire si la baisse de la circulation auto est d’abord un effet de la gratuité, ou plutôt du plan de mobilité lancé au préalable par la ville, et qui a doublé le nombre de bus en circulation" explique-t-il.
Une autre question reste en suspend : Qui doit financer la gratuité ? Le voyageur ou la collectivité ?
En Suède, une association d’usagers (Planka-nu) a tranché : ses adhérents de Stockholm et Göteborg refusent de payer les 500 couronnes (environ 50 euros) d’abonnement mensuel. Contre une participation mensuelle de 100 couronnes, Planka-nu se propose de prendre en charge les amendes de ses adhérents, qui coûtent 600 couronnes ! Les responsables de Planka-nu revendiquent 500 membres actifs et affirment ne pas être inquiétés par la justice. Pour financer la gratuité, ces jeunes anarchistes suggèrent une légère augmentation de l’impôt sur le revenu. Simple, mais pas forcément facile à faire passer. Les héritiers de Proudhon ("La propriété, c’est le vol") seraient-ils en train de devenir les nouveaux socio-démocrates ?
Transports gratuits vite!, à Nantes:
http://ratp.samizdat.net/mot.php3?i...
Le Réseau pour l’abolition des transports payants, à Paris:
http://ratp.samizdat.net
Le site du Predit:
http://www.predit.prd.fr
Le Collectif sans ticket:
http://cst.collectifs.net
Le site de Planka-nu:
http://www.planka.nu