C’est l’histoire d’une petite commune des Yvelines qui se déchire autour du contrôle de "l’information locale" sur le Net. Dernier rebondissement : pour la cour d’appel de Versailles, un nom de commune n’est pas une marque protégée...
C’est
un espoir pour les sites non-officiels d’information
locale..." Loïc Lofficial, informaticien
de 38 ans et auteur d’un site sur la commune
d’...lancourt, savoure la décision
de la cour d’appel de Versailles qui vient d’infirmer
l’ordonnance rendue le 22 octobre 1999 par le
tribunal de grande instance de Versailles : la cour
d’appel considère qu’aucune contrefaçon
de marque ne peut être retenue dans cette affaire,
du fait du caractère non appropriable du nom
de ville ...lancourt. Loïc Lofficial peut
remettre son site en ligne, dès lors qu’il
en précise la nature privée... Cet arrêt
met fin à un bras de fer de près de
deux ans entre un opposant local et le maire RPR d’...lancourt,
Jean-Michel Fourgous.
Rappel des faits : en 1994, Loïc Lofficial s’installe
à ...lancourt dans le département
des Yvelines. À peine ses cartons déballés,
le nouveau venu crée "un site personnel
d’informations locales" destiné
à la "communauté des internautes
élancourtois". Le site présente
des renseignements pratiques, des infos culturelles
ou des adresses de services municipaux. En prime,
le webmestre se rend aux réunions (publiques)
du conseil municipal et met en ligne "ses
comptes rendus". Le site "...lancourt,
bienvenue à ...lancourt" flirtait
parfois avec une "gentille provoc’"
reconnaît aisément son concepteur. Le
premier magistrat de la ville parle, lui, "d’attaques
personnelles, au bord de la diffamation".
Bêtisier en ligne
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En
toile de fond, une mini-bataille politique sur le
Net. Lorsque le maire en exercice, Jean-Michel Fourgous,
est "sélectionné" pour
figurer dans un bêtisier des hommes politiques
du journal L’Expansion, Loïc Lofficial en
profite pour publier sur son site ses déclarations.
Ce qui donne en substance : "Il s’agit de
frapper fort et vite, parce que la guerre économique
mondiale est une réalité [dans laquelle]
les chars sont remplacés par les entreprises,
et les missiles par les salariés."
Le maire d’...lancourt décrit son
adversaire politique comme "un artiste de
la confusion malicieuse". Notamment pour
avoir repris sur son site "le blason"
de la ville d’...lancourt. Avant d’ajouter
: "c’est l’un de mes principaux
opposants politiques, il est à l’origine
de la plupart des tracts circulant à mon encontre".
Ça ne rigole pas à la mairie d’...lancourt...
5 000 francs d’amende
En 1998, l’histoire dérape quelque
peu, lorsque la municipalité se lance, à
son tour, dans la création d’un site Internet.
Officiel celui-là. Et décide, dans la
foulée, d’attaquer en justice le site
non-officiel de l’opposant Lofficial ! Le délit
supposé ? Contrefaçon de marque. Car
la mairie d’...lancourt a déposé,
en 1994, auprès de l’INPI (Institut national
de la propriété industrielle), le nom
"Ville d’...lancourt Yvelines".
Le plus surprenant ? Le 22 octobre 1999, le tribunal
de Versailles donne raison au maire et la municipalité
d’...lancourt dans le conflit qui l’oppose
à son administré, qui est condamné,
au passage, à 5 000 F d’amende. L’ordonnance
lui interdit notamment l’utilisation sur son
site de la dénomination "...lancourt,
bienvenue à ...lancourt" considérant
qu’il violait les droits de la commune sur la
marque "Ville d’...lancourt" !
En signe de protestation, Loic Lofficial met la clef
sous la porte et jette l’éponge...
Tout en faisant appel. Mercredi dernier, la cour d’appel
de Versailles lui a donné raison. Dans l’histoire,
l’informaticien a tout de même perdu 50
000 F (des frais de justice non remboursés).
Volonté de nuire ?
Point final de l’affaire ? Pas tout à
fait, puisque Jean-Michel Fourgous a annoncé
son intention de se pourvoir en cassation. Afin de
"faire avancer le droit concernant l’usage
d’Internet". "Il faut imposer un
minimum de règles dans ce domaine",
souligne Jean-Michel Fourgous. L’affaire a toutes
les chances de rebondir rapidement : le maire en place
a annoncé, aujourd’hui, sa volonté
de poursuivre une nouvelle fois le responsable du
site parallèle devant le tribunal de grande
instance afin de réclamer des dommages et intérêts
(de l’ordre de plusieurs centaines de milliers
de francs) : "La commune a subi des préjudices
financiers pendant un an à cause de l’existence
du site." L’argument avancé :
"la volonté de nuire de monsieur Lofficial
est toute à fait officielle" et aurait
dissuadé, selon le maire, certaines entreprises
de s’installer à ...lancourt et aurait
privé, par exemple, la commune de la manne
financière que représente la taxe professionnelle.
Loïc Lofficial, lui, est décidé
à ouvrir un nouveau site : à propos
du portail de Saint-Quentin-en-Yvelines, cette fois,
qui présente les sept communes du syndicat
intercommunal (dont ...lancourt, avec un lien
erroné sur le site officiel, mais bon...).
À un an des élections municipales, la
pression monte dans les communes de France et Internet
devient un champ de bataille idéal pour les
règlements de compte politiques. À cyber
Clochemerle, la guerre ne fait que commencer...
Le site officiel de la ville d’Élancourt
http://www.ville-elancourt.fr/
Le site non-officiel (fermé) avec quelques informations sur l’affaire
http://www.chez.com/elancourt/
Le portail de Saint-Quentin-en-Yvelines
http://www.san-sqy.fr/