Une mer de journalistes et plus de 500 personnes sont venus assister à l’ouverture du plus grand cybercafé de France. Triomphante, l’équipe d’EasyEverything a initié curieux et futurs clients au concept du cyberMacDo.
 P-E. Rastoin |
Vendredi 19 janvier, 15h45, devant le 37 boulevard de Sébastopol, plus de 500 personnes attendent dans le froid. Ce n’est ni la soupe populaire ni la mise en vente des places du concert unique d’Eminem. EasyEverything ouvre son premier cybercafé français. Un complexe sur deux niveaux qui ressemble fort à une version géante du rayon "meubles de bureautique" de chez Ikea. Une dizaine de jeunes employés à casquette orange évangélisent les passants au concept de "
politique des prix dynamique" : "
Moins il y a de monde, plus vous surfez longtemps. Pour 10 francs, vous vous connectez entre 20 minutes et 5 heures." La politique du tout à 10 balles remporte un franc succès. ...galement bien accueilli, un homme-sandwich offre des cafés siglés Maison du Café, partenaire officiel du lieu.
Aux anges, un trentenaire bronzé et corpulent arpente la queue : "C’est incroyable, c’est la plus grosse ouverture de magasin que nous ayons jamais faite. Nous n’avons même pas assez d’ordinateurs." Escorté de photographes et de caméras, Stelios Haji-loannou, propriétaire des lieux, vient solennellement ouvrir le magasin à 16 heures pile, donnant le coup d’envoi de l’aventure EasyEverything en France. À n’en pas douter, ce sera un épisode de plus dans la success story de ce fils d’armateur chypriote, passé maître dans l’art d’appliquer de façon méthodique les concepts de la grande distribution à d’autres secteurs.
 P-E. Rastoin |
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Je suis arrivé à 15 heures mais il y avait déjà beaucoup de monde." Ce trentenaire transi qui n’avait rien à faire cet après-midi est venu après avoir vu une publicité dans le métro. Pour patienter, il a fait connaissance avec un webmaster du même âge, venu des Hauts de Seine pour "
tester le service." Les deux hommes ont déjà utilisé des cybercafés parisiens mais les trouvent trop chers. Avec des tarifs allant jusqu’à un franc la minute, les concurrents de EasyEverything font figure de petits épiciers aux yeux de tous. Pour trouver moins cher, cette élégante Anglaise d’une cinquantaine d’années a écumé les cybercafes parisiens pour finir par se connecter à 20 f de l’heure mais dans une salle de jeux en réseau "
avec plein d’adolescents assez excités." C’est avec un bonheur touchant qu’elle retrouve l’enseigne EasyEverything, qu’elle a beaucoup pratiqué à Londres.
Un peu plus près de l’entrée convoitée, 3 jeunes de Marne-la-vallée ont été alertés par une pub sur Skyrock. Novices des cybercafés, ils ont tout de même fait le voyage exprès pour se connecter parce que la seule fille du groupe a déjà épuisé son forfait de 30 heures mensuelles Wanadoo et qu’il faut garder le contact avec la famille aux Antilles. Les futurs clients ont bien la moyenne d’âge du cœur de cible officiel d’EasyEverything mais il y a tout de même beaucoup de mâles. "C’est normal à l’ouverture, après ca se tasse pour arriver à environ 52% d’hommes. Il y a, chez nous, plus de femmes que parmi la moyenne des internautes", assure Maurice Kelly, le PDG de la firme. Le marché français a-t-il des spécificités ? "On se rend compte avec l’expérience que les jeunes du monde entier sont moins différents que ce qu’on croit.", assène Kelly. Un monde, un produit, voilà une recette qui a fait ses preuves...
5000 personnes par jour
Pour percer le secret de la recette du web fast food, on a assisté, plus tôt, à la conference de presse, plus que sobre malgré la bonne centaine de journalistes : "Plus grand, moins cher. Keep it simple." Tout le jargon de la grande distribution est exhibé avec fierté par Stelios Haji-loannou qui cite Carrefour en exemple. Le fondateur d’EasyGroup a le style décomplexé du businessman qui ne vit que pour ce qu’il fait. Sûr de sa formule, il a beau jeu de faire un brin démagogie. "Notre service est tourné vers le consommateur, pour que ne s’installe pas ce que le président Clinton appelle la fracture numérique." Côté chiffres, on comprendra que la machine, détenue à majorité par Haji-Ioannou lui-même, aux côtés des minoritaires Hewlett-Packard et Apax Partners, est efficace : l’implantation française est un investissement d’un million de livres sterling dans le magasin lui-même, plus autant pour la campagne de pub et les pertes éventuelles du lancement. L’arrivée à l’équilibre sera assurée si 5000 personnes viennent chaque jour dans le magasin, soit 35 à 40 % de taux de remplissage, en moyenne, sur 24 heures. Ces chiffres sont bien sûr atteints dans les 5 officines londoniennes dont les 2300 ordinateurs voient défiler 25 à 30 000 personnes par jour. 5 magasins. Résultat : chacun des cybercafés de Londres rapporte à EasyEverything 750 000 livres par an.
Saint-Michel et les grands boulevards
Très internationale, l’équipe d’EasyEverything semble presque s’être habituée au succès. Et prépare déjà la suite. Paul Currie, le responsable des franchises du groupe, qui vient de la chaîne de grands magasins Marks and Spencer, prépare depuis des mois les implantations futures hors de l’Europe et de l’Amérique du Nord. La politique de licences sera-t-elle plutôt inspirée par celle du conservateur Marks and Spencer ou du rouleau compresseur Mac Donald’s ? "Mac Donald’s, sans aucun doute. Ils font beaucoup d’argent " avoue, malicieux, Paul Currie. De son côté, le forcené Stelios Haji-Ioannou a déjà deux nouveaux projets sur le feu : EasyMoney, un service de prêts en ligne et un site de comparaison de prix entre 12 libraires en ligne, déjà en service en Angleterre. Et pour ce qui est de la campagne française, le jeune Julien Sausset a déjà été chargé de répliquer le modèle le plus vite possible. Un deuxième cybercafé de 300 ordinateurs sera ouvert dans le quartier Saint-Michel dans quelques mois ainsi qu’un troisième "sur les grands boulevards". On est pas sorti de la cyber-auberge...