Mardi 26 février 2002, Michel Sapin, ministre de la fonction publique, a présenté le rapport "données personnelles et administration électronique", commandé trois mois plus tôt dans le cadre de la phase 2 de son plan de modernisation de l‘administration.
L’heure du bilan était arrivée mardi 26 février pour Pierre Truche, Jean-Paul Faugère et Patrice Flichy. Les trois hommes, respectivement président de la commission nationale de sécurité de la déontologie, préfet de Vendée et professeur de sociologie à l’université de Marne la Vallée, ont rendu leur rapport sur la question de la protection des données personnelles dans la "future" administration électronique. Celle-ci devrait, normalement, voir le jour en 2005... Mais avant d’en arriver là, il faudra trouver des solutions, techniques, éthiques et juridiques, acceptables afin d’assurer la transparence entre l’administration et les usagers. Le défi est de taille et plutôt complexe à résoudre. Voilà pourquoi Jean-Paul Faugère a insisté sur le statut de ce rapport qui "n’est pas de définir des recommandations à ce stade de la réflexion mais d’analyser la situation et de soulever des interrogations auxquelles il faudra nécessairement répondre".
Un pacte de confiance
Pour relever le défi, il faudra avant tout donner des gages de confiance aux usagers. "Les données personnelles représentent un domaine sensible. Aux Etats-Unis, le vol d’identité numérique est une forme émergente de délinquance. Les pouvoirs publics devront y réfléchir" assure Jean-Paul Faugère. En effet, si l’administration devra accepter de fournir une information et un contrôle plus importants sur l’utilisation qui est faite des données des usagers, en échange les citoyens devront accepter la dématérialisation progressive de leurs dossiers administratifs. En effet, dans trois ans, quand apparaîtra "Mon service public.fr" - un cyber-guichet personnel à partir duquel il sera possible de communiquer avec toutes les administrations en ligne - qu’est-ce qui garantira à l’usager la maîtrise de ses données ? Où seront-elles conservées ? Comment y aura-t-il accès ? Quelles seront les garanties de confidentialité ? etc.
Le guichet virtuel...
Les réponses tiennent pour Patrice Flichy "à l’organisation future de cette cyberadministration et à sa localisation". Le choix d’un cyber-guichet unique, c’est-à-dire un compte administratif personnalisé, est mis en balance avec deux autres options. Une organisation par "sphères administratives" (impôt, protection sociale...) qui permettrait à l’usager de disposer de plusieurs cyber-entrées ou "une segmentation les services en fonction des demandes" (naissance, emploi, changement d’adresse...).
Le "coffre-fort électronique", dont chaque usager disposera pour stocker ses recherches et ses demandes, devra t-il être géré à distance, à domicile (sur la machine de l’usager) ou dans un lieu intermédiaire dédié aux opérations demandées par l’utilisateur ?
...et l’identité unique en question
Pour disposer de ces accès, les citoyens se verront attribuer une "identité numérique" qui leur permettra de s’identifier auprès des services administratifs. Le rapport hésite entre le choix d’une clé unique d’accès ou de clefs multiples, voire une combinaison des deux ! Sur ce point encore, les auteurs du rapport ne tranchent pas. Michel Sapin, le ministre de la fonction publique et de la réforme de l’Etat, a, en revanche, tenu à observer que "nous bénéficions déjà de plusieurs gages d’identité avec notre numéro de sécurité sociale, notre carte d’identité, le passeport. L’identité numérique, selon moi, ne peut pas être unique". Pourquoi cette position ? Est-ce par souci de sécurité pour l’usager ? "Non parce-ce que l’identifiant unique est un élément de blocage. Il serait mal accepté par les Français. C’est une question de culture voilà tout" a expliqué Michel Sapin à Transfert. Le ministre attend maintenant beaucoup du débat public qu’il compte susciter autour du rapport. Le forum des droits sur l’Internet a été chargé de s’en occuper et d’organiser également des consultations avec les usagers et les administrations partout en France. Pendant six semaines, le rapport sera soumis à débat depuis son site. "Il appartiendra ensuite au prochain gouvernement de trancher les questions soulevées par ce rapport et de s’orienter vers la phase 3 de ce plan de modernisation" a conclu le ministre.