DoubleClick travaille... doucement
Après la découverte d’un cheval de Troie sur son serveur, DoubleClick répond à Transfert, en toute quiétude. Malgré les bases de données personnelles qui restent accessibles, au premier venu.
C’est
quoi Doubleclick ?
Big
Brother ? Oui, mais en toute légalité
par Jean-Marc Manach
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DoubleClick
avait, l’an dernier, déclenché l’ire du Net après avoir
annoncé qu’elle comptait fusionner sa base de données avec
celle d’Abacus, "la plus importante base de donnée propriétaire
de marketing direct de la nation", aux 90 millions d’identifiants,
qu’elle venait de racheter (DoubleClick
lave plus blanc). Une plainte avait d’ailleurs été déposée.
Elle s’est récemment soldée par un non-lieu, au motif que
la société respectait sa propre charte de protection des données
personnelles... Et DoubleClick a effectivement fusionné les deux
bases de données. Mais sur le principe de l’opt-in, c’est-à-dire
avec l’assentiment du consommateur, qui, s’il clique "là",
comme on l’y invite, accepte de recevoir des publi-informations "ciblées".
Sauf que la majeure partie de ceux qui cliquent "là"
ne saisissent pas forcément les subtilités de cet opt-in
et ne savent probablement pas que les informations sont croisées.
Par ailleurs, DoubleClick est l’un des principaux lobbyistes anti-privacy
aux ...tats-Unis
Lire :Petits
arrangements (lucratifs) avec la vie privée |
À force de demander poliment, Doubleclick a fait parvenir une "réponse officielle" à nos questions sur
l’état de sécurité de ses serveurs : "
Nous nous efforçons actuellement de prendre les mesures nécessaires face à cette situation. Nous espérons que ce sera terminé la semaine prochaine. À ce moment-là, nous réaliserons les modifications nécessaires pour nous assurer que notre site est sécurisé."
Pas question de publier un communiqué sur cette affaire. "Vous êtes les seuls à avoir posé cette question. Nous y répondons. Rien de plus. Nous faisons un communiqué lorsque nous sortons un nouveau produit", explique Amy Shapiro, "Director of Global Communications" de Doubleclick. En somme, tout va bien. On s’interroge simplement sur le besoin éventuel de sécuriser "le site". Visiblement, Doubleclick ne semble pas inquiète.
Attitude intrigante
Pourtant, tout près de doubleclick.net, sur la même classe d’adresses (lire encadré), il y a des serveurs qui peuvent être piratés en un clin d’œil. Sachant que Doubleclick est sans doute l’entreprise qui collecte le plus d’informations personnelles sur les internautes et les stocke dans des bases de données (lire encadré), on pourrait s’attendre à un peu plus d’empressement pour réparer les failles découvertes par d’autres. Il est étonnant de constater que les serveurs de Doubleclick présentent des bugs vieux de respectivement deux ans, un an et cinq mois. Comme si personne dans cette entreprise ne prenait soin d’appliquer les correctifs émis par Microsoft. Une attitude qui intrigue – et le mot est faible – tous les experts en sécurité informatique contactés par Transfert. Dès lors, comment croire sur parole Doubleclick, alors que l’entreprise explique disposer d’un environnement tout à fait sécurisé et que les serveurs publics sont "purement corporate", déconnectés de "l’environnement de production".
Prenons un exemple simple : le serveur abacusonline.doubleclick.net permet à ses abonnés d’interroger la base de données Abacus qui fiche les consommateurs américains. Un défaut non corrigé du serveur permet de voir le login et le mot de passe de connexion à la base de données gérant ceux des clients d’Abacus. Bilan des courses, il est probable qu’un vilain pirate puisse rapatrier cette base de données. Il saura alors quels sont les clients d’Abacus. Et pourra interroger la base à leur place. C’est peut-être "déconnecté de l’environnement de production", mais ça marche pas mal quand même dans le genre piratage…
Méchant petit script
Par ailleurs, il est possible de faire monter sur plusieurs serveurs de DoubleClick des logiciels permettant de récolter les logins et mots de passe des autres machines qui s’y connectent. Sachant qu’il y a, toujours sur la même classe d’adresses, des serveurs capables de gérer à distance une campagne de pub, peut-on totalement exclure un piratage de celles-ci ? Et, bien entendu, l’accès à des informations confidentielles ?
DoubleClick a beau jeu de dire aujourd’hui qu’il ne se passe rien sur ses serveurs et que rien ne peut être fait à distance. À défaut de se mettre dans l’illégalité, il est effectivement impossible de prouver le contraire. Pourtant, il suffirait de lancer un petit script public diffusé par un expert en sécurité informatique (Roelof Temmingh) pour démontrer la faillibilité des serveurs de DoubleClick…
Comment
ça marche les classes d’adresses ?
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Lorsqu’un
visiteur tape "www.doubleclick.net" dans son navigateur, le logiciel
de surf interroge en fait un numéro de machine, l’adresse IP.
Dans le cas de Doubleclick, les adresses changent régulièrement.
Un particularisme. Lundi 25 mars, l’adresse de "www.doubleclick.net"
était 199.95.206.201. Doubleclick dispose d’ordinateurs connectés
au réseau Internet sur les adresses allant de 199.95.206.1 à
199.95.206.254. Il y a, sur des adresses proches de celle de doubleclick.net
des serveurs à peine installés et, en tout état de
cause, qui présentent des bugs importants et exploitables. |