Les informations concernant les internautes se vendent au plus offrant. Sans véritable contrôle. Un colloque organisé par Transfert a fait le point.
Internet, c’est la vente des infos personnelles". Ce cri d’alarme a été lancé, mercredi 6 décembre, Louise Cadoux. L’ancienne vice-présidente de la CNIL (Comission nationale informatique et libertés) s’exprimait au cours d’un séminaire organisé par
Transfert sur les données personnelles. Elle a été, bien entendu, rejointe par d’autres, comme Serge Piasek, PDG de flowprotector.com, qui enfonce le clou à coup de massue : "
Vous êtes tous des marchandises. Il n’y a rien de gratuit sur Internet : ou vous êtes espionné ou vous êtes vendu." De même, David Talbot, président et fondateur de salon.com souligne que "
lorsque les entreprises veulent être curieuses, avec Internet, il n’y a virtuellement aucune limite".
3 000 messages publicitaires par jour
Mais ces avis ne sont pas unanimes. Pour d’autres, les nouvelles technologies ne menacent pas la vie privée des internautes. "Je n’aime pas jouer à me faire peur, j’ai fait du parachutisme et de la haute montagne et si je suis vivant c’est que je ne me suis jamais laissé contaminer par la peur. Je suis inscrit sur toutes les listes, je réponds à tous les coupons et je ne suis pas harcelé. Dieu merci. Le plus gros problème avec les fichiers, c’était en 1942 et c’était des hommes avec des crayons et des bouts de cartons. Le danger, ce n’est pas l’informatique, c’est l’homme", souligne Bernard Siouffi, délégué général de la Fédération de la vente à distance. Selon lui, ou selon Cécile Moulard, directrice générale de Amazon.fr en charge du marketing, les entreprises investissent des sommes importantes dans les outils, ce qui justifie l’usage qu’elles font des données récoltées. Le tout, naturellement, pour le plus grand bien de l’internaute, souvent relégué à un simple rôle de consommateur. Mais un consommateur dont les entreprises s’occupent avec la plus grande attention. Selon Serge Gauthronet, sociologue : "Un Américain moyen reçoit 3 000 messages publicitaires par jour. On sature. Mais le spam était une maladie infantile du Net. On va vers le "permission marketing", "l’email marketing", "l’opt-in e-mail"." Tout un programme...
La CNIL au centre des débats
Impossible de parler de protection des données personnelles sans évoquer la CNIL... Joël Boyer, le secrétaire général de l’institution, un rien schizophrène, a estimé tour à tour qu’il ne croyait pas aux "recommandations de papier" mais que "la CNIL n’a jamais demandé de pouvoir de sanction". Selon lui, la Commission "ne doit pas devenir une administration contrôleuse. Une CNIL, même très puissante, même très technicienne, ne serait pas une solution à tous les problèmes". On est loin de la position de Daniel Noulleau, membre du Centre de coordination pour la recherche et l’enseignement en informatique et de DELIS, pour qui il faut "accroître les pouvoirs de la CNIL, pour qu’elle puisse ester en justice. Il faut qu’elle puisse recevoir des plaintes et s’adjoindre des représentants de la société civile. Il faudrait un comité consultatif autour de la CNIL pour enquêter sur les grands fichiers", comme le Stic de la police.
En attendant une plus grande implication des pouvoirs publics qui traînent à transposer en droit français la directive européenne du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, Jean Balcesak met en garde les internautes contre les Spywares (lire Logiciels avec mouchards intégrés). Ces logiciels, souvent gratuits, espionnent les internautes et nourrissent des bases de données à leur insu. Pas cool. Mais tellement courant...