En 1996, Dick Morris était le conseiller en communication de Bill Clinton. Celui qui avait la lourde tâche de fabriquer un président-candidat sympathique, quoique embourbé dans les affaires. Et il y réussit. Au point d’être sacré « ré-inventeur » de Bill Clinton. Depuis, il a continué à se passionner pour la politique, en ouvrant notamment Vote.com, un site permettant de voter sur tout et n’importe quoi. Il publie aujourd’hui « Vote.com » (Ed.Plon), avec le français Gilles Delafon. Entretien sur un business pas comme les autres. Article publié le 5 mars 2003
Vote.com ? On dirait un nom de fondation politique. C’est une entreprise ou une fondation ?
Vote.com est une entreprise, basée aux Etats-Unis, qui gère un site du même nom. Nous l’avons fondée en novembre 1999, ma femme et moi. Tous les jours, nous y proposons un sondage sur un sujet concernant les Etats-Unis, et tous les jours des centaines de milliers de personnes se connectent et votent. Et quand ils l’ont fait, nous envoyons un message électronique, avec le résultat des votes, à leur député, sénateur, ou n’importe quel officiel en charge du domaine. Mais cela ne se limite pas à la politique : cela peut être sur du cinéma (ce qu’ils pensent d’un film), sur de la technologie, sur des affaires de société...
Combien de personnes y travaillent ?
Aujourd’hui, une dizaine. Soit la moitié de ce que nous étions il y a un an... Mais il faut bien devenir financièrement viable.
Et c’est en faisant voter sur de la politique ou du sport que vous gagnez votre vie ? C’est surprenant...
En fait, notre source de revenu principale vient d’une autre activité du site : nous proposons des jurys en ligne pour des procès. Un avocat peut tester ses arguments, les preuves, etc... et un jury en ligne, mais dont les membres sont issus de la bonne région, du bon comté où devrait se passer le procès, donne son avis. Cela permet à des avocats de mieux connaître le sentiment potentiel d’un jury, de mieux préparer leur dossier, et éventuellement d’avoir des arguments pour une négociation.
Comment cela ?
Si un jury en ligne de 350 personnes estime qu’une personne doit recevoir 500 000 dollars de dédommagement, son avocat peut naturellement faire comprendre que son offre à l’amiable de 200 000 dollars est une bonne offre, car si ils vont au procès, un jury a de bonne chance de les condamner à plus encore. Avant, de telles simulations étaient très compliquées à organiser et coûtaient plus de 50 000 dollars. Nous les mettons en place en une nuit pour 5 000 dollars...
Et c’est fiable ?
Oh oui, très fiable. Des compagnies d’assurances nous confient systématiquement, désormais, leurs cas difficiles.
En France, vous avez eu des problèmes pour obtenir vote.fr ?
Oui, l’AFNIC nous l’a d’abord refusé en disant que c’était un terme générique. Mais c’est en train de s’arranger. Et la France devrait bientôt être le cinquième pays, hors des Etats-Unis, où Vote.com ouvrira. Nous ne ferons pas de jury en ligne, bien sûr. Mais il y a beaucoup de sujets pour lesquels nous pouvons solliciter les internautes. Et vous verrez : cela va aussi changer la façon de faire de la politique. Vos politiciens ne l’ont visiblement pas encore compris, à regarder leurs sites, mais ils vont bientôt être face à une réalité : l’âge d’or de la communication unilatérale est terminée.