En Allemagne, des centaines de sociétés vendent conversations téléphoniques et connexions internet sans abonnement. Aujourd’hui, nombre d’entre elles sont endettées. Deutsche Telekom (DT), qui gère le réseau téléphonique, commence à débrancher ses débiteurs.
Le 5 avril, le numéro de TelDaFax, spécialiste du "call by call" et de "l’Internet by call" ne répondait plus. Le 18 avril, c’est Callino, une société concurrente, qui était réduite au silence. Inexistant en France, le "call by call" et sa version internet se sont fortement développés en Allemagne depuis le 1er janvier 1998, date de la libéralisation du marché des télécoms. Le principe du "call by call" est simple : une entreprise disposant d’une licence d’opérateur téléphonique peut louer des lignes à Deutsche Telekom et vendre services téléphoniques et accès à l’Internet au prix où elle l’entend. Le client n’a pas besoin de s’abonner ni de s’identifier. Il lui suffit de composer l’indicatif de la société, suivi du numéro d’appel voulu pour bénéficier des services de l’opérateur. La facturation, "à l’appel", est assurée par Deutsche Telekom, qui la reporte sur le compte de ses clients..
Rappel à l’ordre
Au début, la pratique s’est révélée particulièrement lucrative pour ces opérateurs privés. Au lendemain de la libéralisation, les prix de Deutsche Telekom étaient encore suffisamment élevés pour permettre à la concurrence d’offrir des services nettement plus avantageux. De plus, ces sociétés n’ont jamais eu à assumer la gestion et les coûts de maintenance et de développement du réseau téléphonique allemand. ...videmment, l’opérateur historique n’a jamais vraiment accepté cette concurrence, jugée parasitaire et injuste. DT a traîné les pieds en refusant l’ouverture de lignes ou en surfacturant ses services. En vain. Car à chaque fois, l’Autorité de régulation des postes et des télécommunications (RegTP) a rappelé le géant à l’ordre.
Les beaux jours sont terminés
Mais le vent a tourné. En effet, depuis deux ans, les tarifs de Deutsche Telekom ont fortement baissé. Et avec eux, les marges bénéficiaires des opérateurs de "call by call". La concurrence, elle, s’est intensifiée. On compte actuellement près de 400 sociétés sur ce marché et les tarifs les plus compétitifs se situent aujourd’hui à environ 10 centimes/minute. Parallèlement, la RegTP a autorisé DT à relever les prix de la location des lignes téléphoniques. Résultat, des sociétés comme TelDaFax ou Callino, entre autres, ont vu leurs comptes s’enfoncer dans le rouge. Endettées auprès de Deutsche Telekom à hauteur de 90 millions de marks pour TelDaFax et de 10 millions pour Callino, les deux sociétés ont déposé une demande d’insolvabilité pour pouvoir obtenir un moratoire de remboursement de leurs dettes. Refusant d’être la banque de ses concurrents, DT a tout simplement décidé de débrancher les lignes des deux sociétés. On ne connait pas le nombre de clients concernés, tout juste que Callino affichait un volume d’affaires d’environ 400 millions de minutes en ligne par mois. Jeudi 12 avril, TelDaFax a obtenu du Tribunal de Cologne une décision de justice en sa faveur. En échange du remboursement rapide d’une partie de ses dettes, Deutsche Telekom serait obligé de rebrancher l’opérateur. L’opérateur historique, qui a envoyé des sommations de paiement à 29 autres sociétés, a décidé de faire appel. Quel que soit le résultat, les beaux jours du "call by call" sont terminés.