Lors de Pop !Tech, un salon consacré aux innovations qui se tenait du 21 au 24 octobre 2003 à Camden, dans l’Etat du Maine, les participants se sont vus remettre des badges personnels "intelligents" et communiquant entre eux sans fil. Amusement, étonnement, intérêt, colère, piratages... : ces petits gadgets n’ont laissé personne indifférent.
Les organisateurs de Pop !Tech, un salon consacré aux innovations technologiques et "aux changements qui transforment notre société et notre planète", avait décidé de distribuer un nTag à tous leurs visiteurs.
Fondés sur la technologie d’identification radio RFID, les nTags sont des badges légers qui disposent d’une mémoire électronique, d’un dispositif de communication infrarouge et d’un petit écran plat.
Le nTag permet à celui qui le porte d’être informé - en temps réel et à distance - des "caractéristiques" des personnes qu’il croisent et portent eux aussi le badge "intelligent".
Un individu qui en croise un autre peut, après avoir consulté l’écran de son badge et avant tout échange de civilité, connaître ses centres d’intérêt, son parcours professionnel, ou tout autre renseignement personnel que l’interlocuteur aura choisi de rendre public.
D’autres fonctionnalités, dont certaines sont empruntées aux assistants numériques, permettent d’échanger des cartes de visites virtuelles, d’envoyer des messages, de conserver une liste de toutes les personnes rencontrées, etc.
Férus de nouvelles technologies, les participants à Pop !Tech n’ont pas forcément souscrit à l’innovation, comme en témoignent les commentaires relevés sur plusieurs blogs.
Beaucoup de visiteurs ont "passé leur temps à se plaindre de leurs badges", rapporte Scott Kirsner, sur le blog du magazine Fastcompagny.
"Le concept est géant, mais les badges (portés autour du cou, NDLR) étaient un peu lourds ; il était difficile d’y lire le nom des personnes ; et en général les gens se débrouillent mieux seuls pour trouver des points communs entre eux", précise Scott Kirsner sur le blog Future Forward Blog.
"(Ceux qui portaient les badges) nous donnaient l’impression d’être dans un film de science fiction des années 50", témoigne Denise Howell sur Bag and Baggage. Elle remarque les tags agissent comme un procédé "filtrant et référençant" capable de créer spontanément des communautés, puisque "le badge vous prévient lorsque vous rencontrez une personne qui a déjà parlé à quelqu’un qui partage vos propres centres d’intérêt".
Jason Kottke, blogueur et designer Web émérite, constate que "si beaucoup de participants ont apprécié et utilisé les badges électroniques avec plaisir", d’autres se sont carrément "révoltés" contre une technologie jugée envahissante.
Ce badge que certains ne sauraient voir
Il relate qu’un informaticien de Sun Microsystems, présent à la conférence, s’est empressé de "pirater" son propre badge. Conséquence de son acte de "sabotage" : tous les badges des participants qu’il croisait sur son chemin se sont automatiquement désactivés. Selon Kottke, l’épisode a presque entraîné une bataille rangée : certains ont à leur tour piraté leur badge, tandis que d’autres ont jugé que la désactivation de leur badge, sans leur permission, "constituait une attaque". Ces derniers ont même cherché à arracher les badges piratés du cou de leurs propriétaires ?
"Je n’aimais pas particulièrement ces badges, mais il faut reconnaître qu’ils ont donné naissance à des comportements socialement intéressant - même si ce n’était pas ceux escomptés", résume Kottke.
Si l’intérêt de cette technologie pour l’usager reste à démontrer sur le terrain, les créateurs de ces badges ne semblent, en revanche, pas avoir de mal à convaincre les organisateurs de salons de la puissance marketing et commerciale de l’outil : "Les nTags fournissent aux organisateurs d’événements une vision des réseaux informels qui se constituent au sein de leur audience. Des applications de traçage peuvent fonctionner sans même si l’utilisateur n’entre pas de données personnelles. Les badges vont simplement surveiller qui rencontre qui et pendant combien de temps", peut-on lire sur le site de nTags.
Les créateurs des nTags multiplient les interventions pour justifier l’intérêt de leur système, et rappeler leur souci permanent de confidentialité. Dans une interview publiée le 21 octobre 2003 sur le blog MeetingsNet, l’un des co-fondateurs des nTag reconnaît que ses badges soulèvent des questions relatives au respect de la vie privée, mais il prétend qu’elles sont souvent injustifiées. Son argumentaire est fondé sur des arguments plus ou moins drôles (et plus ou moins convaincants), comme le suggère cet extrait : "Vous pouvez éteindre les nTAg. Pouvez-vous en dire autant de votre bouche ? Prenez quelques verres, et revenez nous voir".