Des livres dans les ordis ? Pas sûr...
Le Salon du Livre, qui a ouvert ses portes vendredi 16 mars, fait de plus en plus de place au numérique. Les nouvelles maisons d’édition en ligne fleurissent, ce qui n’est pas du goût de tout le monde, malgré quelques projets intéressants.
Antoine AudouardMarc Fernandez |
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Les éditeurs électroniques sont intellectuellement malhonnêtes." Antoine Audouard n’en démord pas. Pour lui, la plupart des sites qui proposent des éditions électroniques ou papier de nombreux auteurs en herbe, non publiés par les éditeurs classiques, s’apparentent plutôt à une arnaque. "
C’est une nouvelle forme de publication à compte d’auteur", estime cet ancien directeur général de Robert Laffont. Pourtant, Antoine Audouard n’a rien d’un anti-Internet, même s’il avoue aimer le papier et le contact physique avec le livre. "
J’ai quitté Robert Laffont en 1999 pour me lancer dans l’écriture. J’en ai profité pour fureter du côté d’Internet." Et, depuis deux ans, il est à l’origine du Prix Internet du livre. "
Notre site fonctionne activement entre le mois de décembre, au moment de la sélection, et février, lors de l’annonce du gagnant." Cette année, c’est Marc Lévy qui a remporté la palme, avec son roman
Et si c’était vrai..., publié chez... Robert Laffont. "
Nous avons eu près de 5 300 votants et 75 000 visites en deux mois." Antoine Audouard est plutôt content de son bébé, même s’il aimerait le développer encore. "
Le Net ne va pas tuer le livre, c’est ridicule de penser une chose pareille. En revanche, on entend beaucoup de conneries sur le sujet. À mon sens, la vraie question est de se demander comment utiliser Internet et sa spécificité quand on est une maison d’édition classique."
Donner un coup de main
Une question qu’apparemment ne se posent pas les ténors de l’édition en ce moment. À propos des supposées nouvelles possibilités qui s’offrent, grâce au Net, à des auteurs non publiés et méconnus, Antoine Audouard reste plus que sceptique. "Certains nous disent qu’ils repèrent de nouveaux talents. Mon œil oui ! Les éditeurs reçoivent entre 3 et 6 000 manuscrits par an, il est clair que certains auteurs leur échappent, mais ce sont les risques du métier." Pour minimiser ces risques, les éditeurs un peu frileux ou étourdis pourront désormais se tourner... vers Internet, en se connectant sur Manuscrit.com, lancé vendredi soir, lors de l’inauguration du Salon du livre. Nicolas Philippe, le président de cette jeune société, entend bien utiliser Internet pour publier des auteurs, connus ou non, chez des maisons d’éditions classiques. "Nous sommes partis du constat que les éditeurs étaient submergés par les manuscrits. Nous allons leur donner un coup de main, annonce-t-il fièrement. En clair, nous avons mis en place le premier comité de lecture de France."
Contrat à durée limitée
Nicolas PhilippeMarc Fernandez |
L’idée est plutôt intéressante. Tout le monde peut envoyer, gratuitement, son texte à Manuscrit.com, qui se charge avant tout de le protéger en le déposant à la Société des gens de lettres (SGDL). Un contrat d’auteur est alors signé. "
Pour la première fois dans le secteur de l’édition électronique, ce contrat est à durée limitée. Il court sur 18 mois." Une fois écoulé ce laps de temps, si le texte n’a été exploité que sur le Net, chacun est libre de reprendre ses droits. Mieux encore, si le texte a plu au comité de lecture, composé d’internautes, de critiques littéraires et de professionnels du livre, Manuscrit.com s’engage à faire tout son possible pour le faire publier. "
Tout ça sans aucune contribution de la part de l’auteur. Il touchera ses droits normalement si son livre est vendu, même sous forme électronique", explique Nicolas Philippe. En concluant : "
Nous ne recherchons pas les auteurs les plus riches, mais les plus talentueux."