25 ans après Steve Austin, les scientifiques ne désespèrent pas de mettre au point l’homme bionique. Toutefois, modestes, ils ont décidé de commencer par les insectes...
Un cafard monté sur trackball© Holzer / EPFL |
C’est un vrai cafard de Madagascar, une bestiole assez moche de 4 cm de long, mais qui a quelque chose de plus que les autres... À la place des élytres, Raphael Holzer, de l’...cole polytechnique fédérale de Lausanne, a fixé une puce, une pile et un capteur infrarouge. Du coup, cet insecte n’en est plus tout à fait un : il est sous le contrôle d’une télécommande infrarouge qui peut le faire tourner à droite, à gauche ou lui faire exécuter un demi-tour à n’importe quel moment. Pour de nombreux participants de la conférence SAB2000, ce type de chimères bioniques est probablement l’avenir des robots.
L’insecte, un modèle pour les roboticiens
Les concepteurs de robots autonomes ont toujours été confrontés à deux problèmes majeurs : d’abord mettre au point un système électronique sensori-moteur complexe, ensuite fournir au robot l’énergie nécessaire à son fonctionnement (et à son autonomie...). La bionique est une issue pratique à ces difficultés. En concevant des interfaces entre des appareils électroniques et des organismes biologiques, on peut espérer exploiter des agents autonomes, mobiles, adaptés et contrôlés par un programme (ou un opérateur). Les insectes, avec un million de fois moins de neurones que les mammifères, possèdent un système nerveux sensori-moteur très efficace qui les rend capables de s’adapter à tous les environnements. Ils sont donc un sujet d’étude et d’inspiration de choix pour les roboticiens. Ainsi, Raphael Holzer cherche d’abord à étudier le système nerveux moteur de notre cafard malgache et bionique afin de mieux le court-circuiter, voire le simuler.
Planté sur un trackball
Pour le chercheur suisse, cela consiste à enregistrer les corrélations entre les signaux externes, les influx nerveux et les déplacements de l’animal. Pour cela il a disposé une série de microélectrodes sur l’insecte et piégé celui-ci sur la boule en polystyrène d’un... trackball. Le trackball et les électrodes étant reliés à un ordinateur, ce dispositif permet d’enregistrer en direct tous les mouvements du cafard (y compris les rotations) et donc de les comparer aux influx nerveux enregistrés par les capteurs. Une fois que l’on a modélisé le système nerveux moteur de l’animal, il peut alors être "détourné" en court-circuitant les voix motrices et/ou sensorielles naturelles à l’aide de microélectrodes délivrant des impulsions électriques. En connectant ces électrodes à un émetteur infrarouge, Raphael Holzer est ainsi parvenu à réaliser un insecte radiocommandé. Même s’il espère pouvoir un jour utiliser les connaissances acquises avec les insectes pour mettre au point des interfaces neuroélectroniques réellement fonctionnelles chez l’homme, le jeune chercheur suisse s’en tient pour l’heure à des objectifs plus modestes : la miniaturisation du "sac à dos" électronique greffé sur l’animal et l’amélioration de l’efficacité des électrodes.