Le convoi nomade d’AAA Corp. goûte au Confort moderne
AAA Corp. pose jusqu’en octobre son convoi de machines itinérantes au Confort moderne de Poitiers pour une exposition baptisée "Coupe Circuit". Jusqu’au 8 juin, ce collectif "résistant" d’artistes ardéchois fera lui-même vivre ses sept camions dans cette friche industrielle reconvertie en centre culturel. Pour AAA Corp., ces unités de production mobiles revendiquent "l’autonomie" et explorent les limites de la légalité.

La raffinerie mobile d’AAA Corp. roule à l’huile de tournesol (DR)
Un atelier de sérigraphie, une radio pirate, un sound system, un sonar, un atelier d’artiste modulable et une raffinerie mobile, qui produit de l’huile comestible et du carburant... chacun des sept camions du convoi nomade d’AAA Corp. est une unité mobile d’auto-production.
"Toutes nos machines fonctionnent", précise Simon, qui a fondé AAA Corp. avec son compère Renaud il y a 8 ans. Depuis son quartier général, une friche industrielle d’Annonay, en Ardèche, ce collectif s’emploie à être "un outil de résistance, un activateur d’attitude politique, sociale, économique dans un univers et une forme artistique".
Les activateurs s’activent en cadence
Simon est arrivé il y a 10 jours à Poitiers, avec une quinzaine d’amis "activateurs", pour installer les machines dans les 3000 m2 du Confort moderne. Depuis le jeudi 5 juin, ces artistes-vidéastes-bricoleurs-activistes font fonctionner les unités de production devant et avec le public. "L’idée est de créer une zone autonome temporaire", explique Simon, qui revendique la culture "pirate" de ce fameux concept, inventé par l’auteur Hakym Bey.
Fonctionnant pour la première fois simultanément, les machines d’AAA Corp. se veulent à la fontière de la légalité. Ainsi de la radio "pirate" qui émettra jusqu’à dimanche sans autorisation à Poitiers, sur la fréquence 106.6 FM.

Un "sound system" original, 100 % système D (DR)
Le sound system, lui, participe aux concerts qui ont lieu sur place chaque soir, avec de très bons collectifs de musique électronique. "Nous venons de la culture des free parties et de Spiral Tribe", explique Simon, qui cite en exemple le collectif anglais pionnier de la convergence entre techno et activisme politique.
Jeudi, plus de 1000 personnes sont venues voir l’inauguration de cette tentative d’"utopie éphémère et applicable."
Des artistes raffinés
A Poitiers, l’exemple le plus fort est sûrement la raffinerie mobile, le dernier camion construit par les deux pères d’AAA Corp., tous deux ex-étudiants aux Beaux-Arts de Saint-Etienne. Ce camion intègre une presse qui transforme des tonnes de graines de tournesol en huile, qui sert à la fois de condiment et de carburant pour véhicule. Restent des tourteaux de tournesol, qui peuvent être revendu comme nourriture d’élevage ou exposés, comme à Poitiers.
Revendiquant le "do-it-yourself" et le "low tech", les artistes d’AAA Corp. construisent eux-mêmes toutes leurs machines, en récupérant le maximum d’éléments auprès d’un réseau de ferrailleurs.
Ainsi produite, la raffinerie mobile a coûté 9 000 euros environ, dont presque 4 000 pour la presse. AAA Corp. a confinancé le projet avec deux galeries associatives, VKS à Toulouse et Le Linéaire à Romans.
"Notre huile est interdite en France, en tant que carburant. Elle n’est pas soumise à la taxe intérieure sur les produits pétroliers. L’Etat ne prend que 6 % sur les huiles végétales, contre 78 % sur l’essence...", explique Simon, dont la raffinerie produira 400 litres d’huile à Poitiers, assez pour alimenter les camions pendant 2 mois.
Vive l’huile de coude !
"L’idée est vraiment de transmettre et de diffuser nos savoirs et nos méthodes, affirme l’artiste. Pour la raffinerie, nous recevons vraiment beaucoup d’emails de gens, dont certains construisent maintenant leur propre unité chez eux, sur notre exemple."
Simon rappelle que l’illégalité des carburants alternatifs est bien rélle : "Valenergol, une association qui propose à ses membres de presser leur propre huile de tournesol à prix réduit, a récemment été condamnée." VALorisation ENERGétique des OLéagineux a écopé d’une amende.
"Nous nous plaçons sur les failles des lois. Notre raffinerie ne peut exister qu’en tant qu’objet d’art", explique Simon. Nous profitons de ce décalage et de la caution culturelle..."
A défaut d’atteindre l’indépendance énergétique, AAA Corp. promeut l’indépendance d’esprit.