Acheter sa voiture en ligne ? C’est possible, et réellement avantageux. Pourtant, ce mode d’achat reste marginal car le système a des freins puissants : les marques elles-mêmes.
OneSwoop.com
est lune des stars du salon automobile de Genève.
Une star scandaleuse, affublée dun nom
à la Betty Boop, qui a jeté un pavé
dans la mare de la distribution automobile européenne.
Cette start-up britannique propose aux Anglais dacheter
leur voiture en ligne, et de se la faire livrer depuis
lIrlande ou le continent. À prix cassé,
of course. Les modèles proposés vont
de General Motors, Ford, à Peugeot, Audi, BMW,
et 200 concessionnaires sont affiliés au nouveau
service. Voici pourtant un business qui paraît,
à première vue, bien improbable. Après
tout, à quoi bon importer des marques que lon
peut trouver dans son pays ? Et la traversée
de la Manche na-t-elle pas un coût prohibitif
? La réponse réside dans un chiffre
: malgré lunification économique
européenne, les Britanniques protègent
leur marché et le prix des voitures neuves
y est, en moyenne, 30 % plus élevé quailleurs.
Jeux de fiscalité
Dans le domaine de la vente automobile, lEurope
nest pas vraiment unie : dun pays sur
lautre, la facture varie en fonction des taxes
visant à lutter contre la pollution ou à
limiter les importations. Exemple : le Danemark. En
l’absence de constructeur automobile national, les
Danois imposent lourdement les achats de voiture.
Pour compenser ce handicap, les constructeurs fixent
un prix hors taxe le plus bas possible, réservé
à ce marché spécifique. Doù
lidée : pourquoi ne pas réimporter
les véhicules livrés à Copenhague
dans un autre pays européen à moindre
fiscalité ?
De tout temps, les concessionnaires ont eu des concurrents
jouant sur les effets de fiscalité. On les
appelle les mandataires. Ils rachètent les
véhicules hors taxe dans les pays où
ils sont moins chers en fonction des marques et des
modèles. Mais sur lensemble du commerce
européen, souligne-t-on chez les constructeurs,
cest dans le secteur de lautomobile que
lon observe les écarts de prix les plus
faibles en valeur relative. Et avec leuro,
ces écarts ont tendance à se réduire.
En somme, les OneSwoop nauraient que peu de
marge de manuvre. Circulez, y a rien à
voir.
La voix des concessionnaires
C’est surtout l’expression "commerce électronique"
qui fâche. Les constructeurs français
sont confits dangoisse à la perspective
de se mettre à dos leur réseau de concessionnaires.
Si les Renault et PSA commençaient à
vendre en ligne, les vendeurs court-circuités
et mis sous pression par la baisse des prix ne manqueraient
pas de réclamer des comptes. La position officielle
de Citroën se résume à "La
vente en ligne, cest clairement non ; Internet,
cest oui à 100 % !" Autrement
dit, on met en avant le site institutionnel www.citroen.com
et on encourage chacun des 440 principaux points de
vente à enrichir et animer son site Web. Mais
on ne vend rien sur le Réseau.
Il est vrai que les ventes dautomobiles via
Internet nont représenté que 2,7
% du total des achats de voiture aux ...tats-Unis
lan passé. La plupart de ces transactions
ont dailleurs été finalisées
au fond dun garage, sans une once délectronique.
On comprend que les constructeurs ne lâchent
pas la proie pour lombre, cest-à-dire
leur réseau existant pour un canal de distribution
encore très hypothétique. Les Américains,
pourtant pas soucieux de transitions économiques
en douceur, nont pas osé "tout
casser" : Auto-By-Tel, le géant de
la vente en ligne dautomobiles, nest jamais
quun nouvel intermédiaire entre les clients
et les concessionnaires.
Internet, ou le choix des marques
Est-ce à dire que les concessionnaires européens
sont à labri dun séisme
Internet ? Même pas. Les Quinze appliquent actuellement
une directive datant de 1995, qui établit le
principe de la "distribution sélective"
: les concessionnaires sont désignés
comme les intermédiaires de la vente de véhicules
et le "multimarquisme" est limité.
En clair, il est difficile de vendre plusieurs marques
de voitures dans un seul point de vente. Cela nécessite
notamment la création de show-rooms séparés.
Ajoutons-y les pressions exercées par les constructeurs
qui ne tolèrent guère la proximité
de leurs concurrents
De fait, un concessionnaire
= une marque.
Sur le Web, rien de tout cela. La surface de rayonnage
est illimitée, et lon passe sans problème
de Peugeot à Renault, nen déplaise
à ces géants. La start-up Autovalley,
créée au sein du groupe Paribas en juillet
1999, fédère ainsi un réseau
de 38 concessionnaires en région parisienne.
Question choix, le client est servi : Fiat, Lamborghini,
Porsche, BMW, etc. La jeune pousse nespère
pas vendre plus de "quelques centaines"
de voitures cette année qui sera celle
de lextension de son réseau à
léchelle nationale. Mais lévolution
vers un nouveau canal de distribution est enclenchée.
En négociant le prix des véhicules pour
le compte de leurs clients, les conseillers dAutovalley
parviennent à leur obtenir 5 à 17 %
de remise en fonction des modèles. Mais le
prix nest pas le critère le plus déterminant.
Les clients, sils se tournent vers le Web, le
feront pour avoir le choix, explique Philippe Brendel,
le directeur général dAutovalley
: "Je ne pense pas que le prix des véhicules
va diminuer à la production. Les marges des
concessionnaires non plus, car elles ne sont pas énormes.
La plupart du temps, elles séchelonnent
entre 8 et 14 %."
Horizon 2002
Le Web ouvre peut-être la boîte de Pandore
du "multimarquisme" dans la vente
de voitures neuves. Mais la libéralisation
du marché est, aux yeux de Philippe Brendel,
une tendance inexorable. "Il existe un courant
profond de libéralisation des échanges.
Ce qui peut ressembler à un monopole va sauter.
Déjà, la Commission européenne
nhésite pas à poursuivre les constructeurs
pour entraves à la concurrence transfrontière."
En 2002, lorsquil faudra négocier la
reconduction ou la modification de la directive de
1995, la balance pourrait donc pencher du côté
de la libéralisation. Enfin, peut-être.
Car le poids du lobby industriel comptera, et chez
les constructeurs, on affirme que la distribution
sélective étant le meilleur régime
de distribution qui soit, elle sera nécessairement
reconduite
Les paris sont ouverts.
Liens de larticle :
http://www.oneswoop.com
http://www.citroen.com
http://www.autovalley.fr
(la troisième version du site vient juste dêtre
postée)