Dans ses labos et sur le terrain, EDF expérimente l’accès à Internet via le réseau électrique. La technique est mûre, mais on est encore loin du déploiement commercial.
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En général, un modem possède trois prises : une pour l’alimentation électrique, une pour le réseau téléphonique et une pour l’ordinateur. Dans les labos d’EDF à Clamart, les modems n’ont plus de prise télécom : la prise de courant se charge de transmettre à la fois l’énergie et les données. C’est Internet par réseau électrique, selon la technique des courants porteurs en ligne (CPL).
Il s’agit en fait de superposer des ondes radios codant les données (à des fréquences comprises entre 1 et 30 mégahertz) à l’onde du courant alternatif (50 hertz). Depuis février, EDF expérimente cette solution dans un collège de Saint-Lô (Manche) : à chaque étage, un ordinateur posé sur un chariot est à la disposition des profs qui peuvent ainsi se connecter à Internet de n’importe quelle prise électrique de l’établissement. Un nouvel essai prévu à Strasbourg en fin d’année permettra cette fois le raccordement de clients à l’échelle d’un quartier. Le débit est plutôt prometteur : les modems testés dans les labos d’EDF (fournis notamment par le fabricant suisse Ascom) transmettent entre 100 kilobits et 1 mégabits par seconde, soit 2 à 20 fois plus que les modems téléphoniques classiques. Selon les spécialistes d’EDF, la prochaine génération de modems pourrait atteindre 10 mégabits par seconde.
L’Allemagne en avance
La technique des courants porteurs est étudiée depuis 15 ans. Mais il aura fallu attendre 1997 pour que Nortel effectue les premiers essais concluants. Depuis, l’opérateur canadien a abandonné ses recherches, mais d’autres ont pris le relais, notamment aux ...tats-Unis, où RCA commercialise depuis 2 ans des solutions de réseau domestique via les câbles électriques (mais sans accès à Internet). Ou encore en Allemagne, où l’on a déjà passé le cap des expérimentations en conditions réelles. "Les récents progrès en téléphonie mobile ont été adaptés aux courants porteurs, explique Robert Froehlich, chef de projet Courants porteurs en ligne au centre de recherche et développement d’EDF de Clamart. Combinées à une puissance de calcul accrue dans les modems, ces avancées permettent d’être optimiste pour Internet par CPL." Pourtant, en Allemagne comme en France, les fabricants de modems CPL attendent encore que les deux instances européennes de standardisation, Cenelec et ETSI, fixent le niveau maximal de rayonnement des fils électriques, afin qu’il n’y ait pas d’interférences avec les autres appareils utilisant les ondes radios. Ce n’est qu’ensuite qu’ils pourront envisager une quelconque offre commerciale.
Obstacles économiques et légaux
Internet par le réseau électrique est une solution très séduisante : presque tout le monde est déjà raccordé (même si les foyers éloignés de plus de 600 mètres d’un poste de transformation ne pourront profiter des CPL), il y a moins de fils à connecter aux appareils et le débit est très correct. Seul bémol, tous les foyers reliés au même poste de transformation partagent la bande passante : si le poste de transformation offre 1 mégabits par seconde, 10 utilisateurs simultanés n’auront chacun "que" 100 kilobits par seconde. D’autres facteurs peuvent aussi perturber le transfert de données dans le réseau électrique domestique, par exemple la brusque variation de courant au démarrage de la machine à laver... Dernier problème : en cas de déploiement sur le territoire national, chaque poste de transformation de quartier devra être relié à haut débit à Internet. Soit par des lignes spécialisées louées, soit sans fil par la boucle locale radio (dont le déploiement devrait débuter en France à la fin 2000) ou à l’aide de fibres optiques courant le long des pylônes EDF... Aujourd’hui, toutes les hypothèses sont permises. Mais la viabilité économique d’un tel projet reste à prouver, avec la concurrence des autres modes d’accès à Internet à haut débit. Et si le contexte économique s’avérait favorable, reste à savoir qui commercialiserait ce type de service. EDF ? La spécialité de sa mission (fournisseur et distributeur d’énergie électrique) le lui interdit aujourd’hui. À moins d’une modification de son statut, la solution d’un partenariat avec un opérateur semble plus plausible.