L’Association La droite libre a lancé mardi 13 mai une opération de bombardement de courrier électronique visant les adresses mail de plusieurs responsables syndicaux, dont Marc Blondel, le secrétaire général de Force-ouvrière.
Pour la Droite libre, il s’agissait de protester contre les journées d’action des syndicats contre les projets gouvernementaux de réforme de la fonction publique et du régime de retraite.
L’association, qui milite pour "une droite décomplexée pour une France forte", a été fondée en novembre 2002 par Rachid Kaci, un militant de Démocratie libérale qui fut candidat à la présidence de l’Union pour un mouvement populaire (UMP).
Trafic perturbé
Le 13 mai, la Droite libre a donc envoyé aux 80 000 abonnés revendiqués de sa newsletter un formulaire intitulé "Ils bloquent la France, bloquons leur mails". Il permettait aux internautes d’adresser un mail à une liste d’organisations syndicales et à certains de leurs responsables.
"Il s’agissait pour nous de répondre à la frustration des gens que l’on empêchait d’aller travailler. Nous avons donné un moyen d’action à une majorité silencieuse prise en otage. Nous avons aussi voulu dénoncer l’espèce d’impunité dont bénéficient ces responsables syndicaux pleins de morgue en leur montrant qu’ils n’étaient pas les seuls à pouvoir avoir une action militante", explique Arnaud Dassier, secrétaire général de la Droite libre et associé de la société de prestations internet L’Enchanteur.
Selon ce dernier, la tactique a cependant légèrement évolué quelques heures plus tard : les serveurs de l’association étant saturés par les envois, les internautes ont été invités à adresser les mails depuis leur propre compte mail.
"Embêter ceux qui nous embêtent"
Mercredi 14 mai, en fin de journée, une dépêche de l’Agence France-Presse célébrait la victoire de Kaci et Dassier : devant des journalistes, Marc Blondel reconnaissait avoir été victime d’un blocage de sa boîte de courrier électronique provoqué par l’afflux de messages émanant de "gens de l’UMP".
Sur les listes de discussion de l’Observatoire de la net-campagne, l’information commence alors à circuler. Une fausse dépêche, signée "AP" (comme Associated Press), est rapidement envoyée à plusieurs destinataires : elle indique que l’information de l’AFP est un faux fabriqué par les membres de la Droite libre. Le but : accentuer la confusion et faire enfler la rumeur.
Du côté des syndicats, on admet avoir été surpris par l’opération. "Nous avons reçu pas mal de messages qui étaient adressés à tous les membres de notre bureau confédéral", reconnait un membre de la direction de Force ouvrière. "Mais cela n’a pas été gênant très longtemps. Juste le temps pour nos informaticiens de mettre en place un pare-feu. Cela dit, c’est effectivement une nouvelle méthode de manifestation."
La Droite libre, elle, assume pleinement ce mode d’action. "C’est une opération amusante qui embête ceux qui nous embêtent", estime Rachid Kaci."Ce n’est pas une démarche très positive, mais c’est moins grave que de bloquer un pays pendant trois jours", ajoute Arnaud Dassier.
Le rêve ? Un procès
Après la publication d’un article de ZDNet évoquant les risques judiciaires d’une telle initiative, le secrétaire général de l’association expliquait, sur le forum de l’Observatoire de la net-campagne : "Nous pensons qu’un procès aurait un effet encore plus retentissant que la dépêche de M. Blondel. Nous l’attendons avec gourmandise."
Faut-il s’attendre à d’autres actions de ce type ? "S’il le faut, pourquoi pas ? Nous utilisons les armes à notre disposition", prévient Rachid Kaci. Arnaud Dassier se veut plus prudent : "Ce sont des méthodes à manier avec précaution. Le niveau de l’agression justifiait le niveau de réponse mais ce sont des cas extrèmement rares. On ne va pas bloquer le mail d’un homme politique à chaque fois qu’il fait une déclaration."
La Droite libre, qui envisage de déposer une motion lors du prochain congrès de l’UMP pour en devenir un courant officiel, revendique l’utilisation des nouvelles technologies en politique. "80% de notre action passe par internet", explique Arnaud Dassier, qui n’en est pas à son coup d’essai.
ÿPoil à gratter
Lors de la campagne présidentielle de 2002, lui et ses collègues avaient déjà mené plusieurs "coups" : les sites parodiques Gauche Story ou Jospin probable, le site avec-chirac.com, concurrent site de campagne officiel, ou encore les sites d’inspiration clientéliste Les Femmes avec Chirac et Les beurs avec Chirac.
Revendiquant une approche moderne, cette bande n’hésite pas à travailler en sous-marin, de façon anonyme, car elle a les mains plus libres qu’un staff de communication officiel.
L’UMP d’Alain Juppé a soigneusement évité d’être officiellement mélée à l’opération contre les syndicats. "C’est une initiative personnelle, l’UMP n’est en aucun cas impliquée dans cette action", expliquait-on vendredi 16 mai au service de communication du mouvement.
"Nous sommes l’aiguillon et le poil à gratter de l’UMP, assure Arnaud Dassier. Parfois, cela se passe bien, parfois moins bien. Il y a un problème de génération et de culture. Même si ce genre d’initiative leur venait à l’esprit, ils ne l’assumeraient pas."