Le congrès du PS est sur Internet. Discours, motions, forum de discussion, peu fréquenté : sur le Web, la politique traîne les pieds.
Pervers ou passablement désœuvré, vous rêviez de vous éclater en suivant le congrès du PS sur le Net ? C’est encore plus incongru que si vous étiez allé directement à Grenoble, du vendredi 23 au dimanche 25 novembre... Á Grenoble, au moins vous auriez pu zieuter, dans la salle, qui parlait avec qui, quelles nouvelles alliances de tendances se nouaient devant le café du matin ou le kir du soir, et si les mis en examen de la MNEF et autres collectionneurs de cassettes vidéo rasaient les murs ou les camarades.
Caméras militantes
Au lieu de quoi, pour faire l’économie d’un billet de train, vous avez bloqué votre ligne téléphonique afin de suivre en direct live sur écran 9 pouces, via un modem à 14,4 k, les discours contributifs au congrès du parti. Á vue de nez, le train aurait coûté moins cher, mais il est vrai que le progrès n’a pas de prix. Si donc, vous vous êtes obstinés à vous abîmer la vue ou ce qu’il en reste sur votre Realplayer (8cmX 6 cm), il ne vous aura pas échappé que les caméramen du congrès ne manquent ni de talent ni d’à propos. Par exemple, quand, vendredi à 18h25 précises, Alain Bergougnoux, secrétaire national à la communication et à l’information des militants, interroge gravement : " Quelle politique menons-nous, est-elle suffisamment à gauche ? ", les caméras percutent. D’un mouvement aussi élégant que signifiant, elles virent dans la direction indiquée par l’orateur - à gauche toute. Le nouveau cadrage dévoile la silhouette du secrétaire national en pied, plantée devant un pupitre. Le plan précédent, de trois-quarts droit, s’en tenait au visage du tribun, pris en flagrant délit d’attaque par un micro oblong inopportunément fiché sous le nez. Dieu (ou Tonton) merci, cette perspective de droite fut promptement évacuée.
Toute chose étant égale par ailleurs, mieux vaut que les militants présents à Grenoble, n’aient pas eu à subir les images du Net. L’ambiance roide renvoyée sur le Web - à côté, le " Jour du Seigneur " passe pour une rave-party - aurait sans doute douché leurs espoirs d’une humanité meilleure. Les " Vous êtes de gauche, vous voulez changer la société " seraient tombés à plat. Les " vaches folle et risque sanitaire, effets pervers du libéralisme et du productivisme " auraient produit l’effet d’un cheveu dans une soupe d’OGM. L’appel vibrant à " la prédominance de la Justice sur le marché " (Jean-Christophe Cambadélis, député, à 18h35) n’aurait ému aucune mutuelle étudiante.
L’ambiance en moins
Bref, pour partager la ferveur militante, il valait sûrement mieux y être. Si, pourtant, vous avez un regret, voire un remords, essayez le différé. Si vous pensez avoir manqué le fond, foncez sur les sites réservés aux différentes motions. Eh oui, il y en a plusieurs. La gauche socialiste, Emmanuelli et Hollande font Web à part. Si, enfin, vous n’avez pas trouvé de copains décidés à " s’engager pour une France plus juste " (thème du congrès) et prêts à disserter autour d’un couscous pour soutenir votre juste effort d’information, il vous reste le forum du congrès. Bien sûr, vous ne pourrez pas y comparer les mérites respectifs du couscous frais et de la graine en boîte, car le test gastronomique virtuel en ligne n’est pas, à ce jour, une valeur fondamentale à gauche. Mais vous pourrez débattre utilement : " Un forum pour le congrès ? Fort bien. Mais pourquoi donc personne n’y participe ? " (30 messages à 20h 17, vendredi). Ou apprendre les paroles d’un chant révolutionnaire, postées par une militante dévouée. Ou tout simplement communier avec cet autre adhérent : " Félicitations pour ce beau travail... Vivre enfin un congrès sans se déplacer.... c’est génial. Mais avec l’ambiance en moins.... "