Depuis le 1er septembre, France Télécom offre 20 heures par mois de surf gratuit à ses salariés. En échange d’engagements très contestés par les syndicats.
France Télécom n’est pas une société comme les autres. France Télécom est une netcompagnie. Dans un document interne distribué aux salariés, la définition est écrite noir sur blanc : "Une netcompagnie est bien plus qu’une société qui vend des accès à Internet ; une netcompagnie intègre les outils Internet et intranet dans son mode de fonctionnement." Tout un programme.
Et quand des employés travaillent dans une netcompagnie, ils deviennent des "net compagnons" à qui la direction propose un accès gratuit à Internet et à l’intranet de la société. Objectif : "Parler 3 fois plus Net."
Une personne - qui souhaite garder l’anonymat - nous a envoyé la convention qui régit cette offre. En la signant, le salarié s’engage à perfectionner ses connaissances, participer à des enquêtes ou des expérimentations sur l’usage du Net, respecter l’image externe de France Telecom et se soucier de la sécurité des outils et des données de France Telecom. En échange, la "ligne managériale" suivra, conseillera et guidera son salarié dans cette belle aventure. "Gagnant-gagnant", selon la formule de l’opérateur.
Porte-parole de France Telecom, Bruno Janet explique : "Notre objectif est de démocratiser l’Internet. Le Net imprègne toutes nos activités et nous voulons que nos salariés soient à la fois les artisans et les bénéficiaires de cette mutation."
Vie professionnelle / vie privée
Cette offre a été proposée sans concertation avec les syndicats, qui demandent maintenant des précisions sur certaines clauses du contrat. Contacté par Transfert, Rémi Claudet, secrétaire fédéral Ile-de-France de Sud Telecom s’inquiète : "Les engagements demandés au salarié sont très flous et peuvent être interprétés n’importe comment. Nous avons demandé des précisions, mais bien sûr, nous ne serons reçus que fin novembre."
Et il y en a des interrogations. Que signifie, par exemple, "accepter de se perfectionner" ? Rémi Claudet ébauche une réponse : "L’intérêt est grand pour FT de pousser les salariés à faire chez eux ce qu’ils n’ont plus le temps de faire au bureau : prendre connaissance des nouveaux produits à promouvoir ou poser des congés. En fait, c’est peu à peu gommer la frontière entre vie privée et vie professionnelle." Bien que rentré chez lui, le "netcompagnon", connecté par Wanadoo et lié par les engagements qu’il a signés, reste dans le giron de l’entreprise. Du cyberpaternalisme ? On peut se poser la question lorsqu’on lit cette phrase : "Grâce à ces offres, tous les salariés de FT peuvent devenir des ambassadeurs d’Internet." France Telecom nie toute mauvaise intention. Patrick Thielemans, responsable presse, précise : "En ce qui concerne le perfectionnement, libre aux salariés de choisir les modules de formation proposés. Il n’y a aucune obligation. Sur les enquêtes [concernant l’usage d’Internet, ndlr] également, c’est sur la base du volontariat."
Clause de moralité ?
L’entreprise se réserve quand même le droit d’utiliser les éléments recueillis pour améliorer ses offres commerciales. Autre point d’interrogation des syndicats, la clause "Respecter l’image externe de France Telecom" Bruno Janet s’offusque, il ne comprend pas en quoi cette phrase est ambiguë. "Respecter l’image externe ? C’est respecter les valeurs et l’éthique de l’entreprise comme, par exemple, ne pas diffuser d’information à caractère raciste ou diffamatoire." Point-barre. Mais que se passera-t-il si un employé de France Télécom utilise la connexion, fournie par l’entreprise, pour éditer un site personnel un peu porno ? Ou politique ? Ou vantant une secte ? Ethique ou pas éthique ? Qui fixera ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas ? Pas facile d’édicter des clauses morales pour ce qui ne releve que d’une connexion Internet...
1 124 000
abonnés à Wanadoo en France
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152 346 employés
en France
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14 000 souscripteurs
à loffre 20 heures gratuites
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Loffre
"net compagnon" prévoit aussi que ceux qui ne disposent pas de PC
puisse obtenir un poste pour 149 francs par mois pendant trois ans. Et
dans le Sud-Ouest, la direction a eu une idée formidable : 3 000 francs de déduction sur lachat du PC. En échange,
un engagement de lagent "à sinvestir dans la
diffusion et la banalisation dInternet par sa participation à
des manifestations organisées par lagence sur son temps libre,
2 à 3 fois par an et pour une durée de trois ans."
Joëlle Roeye, responsable Télécom CGT senflamme : "Si
on fait le calcul, ça fait 333 francs la journée de travail
! Quil y ait des conditions, cest tout à fait normal,
mais elles ne doivent pas sinscrire, comme cest le cas ici,
dans une démarche de travail supplémentaire."
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