Le sénateur du Puy-de-Dôme part en guerre contre Vivendi-Universal qu’il soupçonne de vouloir utiliser, à tort et à travers, le fichier des abonnés de Canal Plus - dont il fait partie. Il a saisi une deuxième fois la CNIL.
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En 1991, ils étaient déchaînés contre moi, ils ont fait une campagne abominable !" Qui se remémore, avec acuité un si mauvais souvenir ? Michel Charasse, sénateur et maire de Puy-Guillaume (Puy-de-Dôme). L’affaire concerne Canal Plus, qui avait refusé à l’époque où il était ministre du Budget, de lui communiquer le fichier de ses abonnés pour que Bercy puisse le croiser avec celui des mauvais payeurs de la redevance télé. Elle ressurgit aujourd’hui de la mémoire d’éléphant de Charasse, à l’occasion d’une affaire évoquée dans une interview au
Figaro mardi 26 décembre. En pleine trêve des confiseurs, l’ancien ministre, coiffé cette fois de sa casquette d’abonné à Canal Plus, annonce qu’il a saisi la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés) du cas de l’entreprise télévisuelle désormais sous la coupe du géant Vivendi-Universal.
Un document mystérieux
Dans la lettre envoyée à la CNIL, son avocat, Me Gilles-Jean Portejoie, indique que "de nombreux articles de presse" conduisent son client à penser que le "fichier d’abonnés [de Canal, ndlr], pourrait être exploité commercialement à des fins lucratives bien différentes de celles que mon client a accepté en approuvant le contrat qui lui était soumis et payant les prestations que celui-ci prévoyait". Pour être plus claire sur les motifs de saisine de la CNIL, la lettre poursuit : "Les craintes de mon client se sont hélas trouvées confrontées par l’examen d’un document qui lui a été adressé il y a peu, de manière anonyme, et qui fait état d’un projet de pacte à conclure dans le cadre de l’opération Messier Vivendi & Cie. Vous en trouverez, sous ce pli, copie."
Voilà qui est précis. "Ils m’ont reproché d’avoir voulu attenter à la liberté. Et eux que font-ils aujourd’hui ?" Réponse, près d’une décennie plus tard, du berger à la bergère. Ne boudant pas son plaisir, Michel Charasse aligne aussi le président du CSA (Conseil supérieur de l’audiovisuel), Hervé Bourges, qui aurait promis de saisir la CNIL sur le sujet et ne l’aurait pas fait. "Hervé Bourges n’a jamais dit ça !", dément Gérald Ghanassia, chargé de la communication de l’institution. "Le CSA n’a pas à se prononcer sur des intentions. Si nous décelons quelque chose d’anormal il sera toujours temps, alors, de saisir la CNIL." Lors de la fusion Vivendi-Universal, le CSA a d’ailleurs introduit, rappelle-t-il, une cascade d’obligations pour la société. Elle doit notamment informer l’autorité de l’audiovisuel de l’exploitation de ses fichiers pour veiller à ce que Vivendi-Universal respecte un autre engagement : celui de ne pas concurrencer Canal Plus en faisant à ses clients des offres commerciales qui pourraient directement concurrencer l’activité de la chaîne.
Droit d’opposition
De son côté, Canal Plus s’étonne de la montée au créneau de Michel Charasse : "Nous louons en toute légalité des fichiers depuis longtemps, explique-t-on à Canal, où est le problème ?" Par ailleurs, la firme rappelle qu’elle jouit d’un droit d’opposition sur l’utilisation de ses fichiers. Vivendi-Universal renvoie, pour sa part, les interlocuteurs vers Canal, car "le dossier n’est pas de son ressort". La CNIL devra dire, elle, si les craintes - et les informations - du sénateur Charasse sont justifiées. En tout cas il persévère : à la lecture du Canard Enchaîné de ce mercredi 27 décembre, qui lui aussi évoque l’affaire en indiquant que Canal Plus loue déjà ses fichier, il a demandé à son avocat de saisir la CNIL une seconde fois. Jamais deux sans trois ?