Le bras de fer continue entre les associations de défense de la vie privée et le FBI : les premières s’appuient sur la loi, le second cherche à gagner du temps.
Le juge américain James Robertson vient de donner 10 jours au FBI pour rendre publiques les spécifications techniques de Carnivore, l’outil d’interception des mails utilisé par l’agence fédérale. C’est la seconde fois qu’un délai de 10 jours est accordé au FBI, qui avait ignoré la première demande effectuée mi-juillet. Mais cette fois le FBI semble avoir changé d’avis : une heure avant l’audition du mercredi 2 août, l’agence fédérale aurait indiqué, par fax, à l’EPIC (Electronic Privacy Information Center), une association de défense de la vie privée, son intention de lever le voile sur le système informatique en cause.
Un code source accessible ?
Carnivore, dont l’existence a été révélée le mois dernier, est une "boîte noire" placée par le FBI directement chez les fournisseurs d’accès Internet. À la différence d’une écoute téléphonique, qui vise une seule ligne en particulier, Carnivore scanne l’intégralité du trafic Internet à la recherche des mails venant de (ou allant vers) telle ou telle "cible" suspectée d’actes criminels. La semaine dernière, la ministre américaine de la Justice, Janet Reno, proposait de faire examiner Carnivore par un groupe d’experts qualifiés. Ce à quoi l’EPIC répliquait que cette mission ne pouvait être confiée à un petit groupe fermé, quel qu’il soit, et qu’il convenait de rendre public et accessible à tous le code source du programme.
Un projet de loi répressif
De son côté, le FBI s’est lancé dans une opération de séduction pour dissiper les craintes du public. Plusieurs des concepteurs du programme, à la fois informaticiens et agents du FBI, se sont exprimé dans un long article presque "people" paru dans le Baltimore Sun.
Pour les associations de défense de la vie privée, ce n’est hélas pas le seul sujet de préoccupation. Le département de la Justice vient de faire parvenir aux parlementaires américains son projet de "Enhancement of Privacy and Public Safety in Cyberspace Act" (loi sur l’amélioration de la vie privée et de la sécurité publique dans le cyber-espace) détaillant la proposition faite il y a deux semaines par John Podesta, le représentant de la Maison Blanche (lire La Maison Blanche veut légiférer). Ce projet de loi donnerait un cadre légal aux interceptions électroniques et autres surveillances sur le Web. Les défenseurs de la vie privée trouvent, là encore, que l’on s’oriente davantage vers un accroissement des pouvoirs dévolus aux forces de l’ordre que vers une meilleure protection du respect de la vie privée des internautes.