Le groupe de presse canadien Quebecor a décidé de fermer la version française de son quotidien en ligne généraliste Canoë, laissant 22 personnes sur le carreau.
Canoe.fr arrête de pagayer. Le groupe Quebecor a décidé de mettre fin à cette déclinaison française du site d’information Canoe.ca, qui connaît un grand succès au Canada. Lancé en France, en septembre dernier, par le géant de l’imprimerie, ce quotidien en ligne était l’un des rares généralistes à ne pas émaner d’un média classique. Jusqu’à présent, Canoe.fr employait 22 personnes, revendiquait récemment près d’un million de pages vues par mois, avec un budget de promotion quasi nul. Les salariés parisiens, qui ont appris la nouvelle lundi 6 août, se disent totalement surpris. En avril dernier, ils s’étaient pourtant émus du licenciement de trois de leurs collègues. "On nous avait rassurés sur l’avenir du journal", explique une journaliste de la rédaction, très affectée par la fermeture. Aujourd’hui, elle se demande si le changement de PDG intervenu en mars dernier n’était pas un signe avant-coureur du changement de stratégie. La direction, de son côté, ne souhaitait pas, vendredi 10 août, faire de commentaires.
Le geste qui tue
D’après Grégory Fernandez, responsable des sports et délégué du personnel, "des contrats de vente d’articles étaient en cours de négociation, la direction venait de boucler le budget destiné à financer le passage du site en XML et un directeur du développement venait même d’être embauché". Aux dires des salariés, le président canadien de Canoe, venu annoncer la nouvelle, n’a invoqué que des arguments financiers. Les actionnaires du groupe auraient demandé "un geste". "Québécor, qui a sans doute plus investi lors de ces derniers mois que dans toute son histoire, a voulu les rassurer", analyse Grégory Fernandez, faisant référence à l’OPA réalisée par Quebecor sur le cablo-opérateur Vidéotron pour un montant de 5,4 milliards de dollars. Une opération bouclée, ironie du sort, la semaine même du lancement de Canoe.fr. Résultat, le groupe canadien a choisi de scier la branche française, présentée en septembre par le PDG du groupe, Pierre-Karl Péladeau, comme "la base la plus solide" pour s’implanter en Europe. La version espagnole de Canoe, elle, continue. En principe.
Rentabilité à cinq ans
Si Canoe.ca engrange des dizaines de millions de visites au Québec, la version française, elle, est restée bien en deçà de ses concurrents directs. À la manière des versions web de mastodontes comme TF1 ou Le Monde. "On ne peut pas nous reprocher de ne pas être rentables alors que l’on n’a pas voulu nous donner les moyens de nous faire connaître", proteste une salariée. Qui rappelle que la rédaction n’a cessé de réclamer des investissements en publicité. Sur cette question, le PDG de Quebecor répondait, l’an dernier, qu’il considérait sa stratégie Internet "non comme un sprint mais comme une course de fond". D’après les salariés, l’annonce avait été faite d’ un seuil de rentabilité au bout de cinq ans. Le site fermera courant septembre. Avec une vingtaine de salariés au chômage en guise de premier et dernier anniversaire.